Une analyse de qualité en français

Un opuscule inattendu de qualité

L’analyse de L’Art de la guerre parue dans la collection Profil Littéraire mérite une attention particulière.

Parue en 2017, la publication fait partie d’une nouvelle collection de l’éditeur belge Lemaitre Publishing. Distribuée essentiellement en numérique, et peut toutefois être imprimé à la deman

de grâce aux presses d’Amazon. Le format est petit (plus petit qu’un livre de poche !), et l’ensemble fait moins de 50 pages. Le contenu n’en est pas moins est surprenant de qualité.

Rédigée par Chistophe Van Staen, nous trouvons en effet là une véritable analyse, concise, du traité de Sun Tzu. Plusieurs idées s’avèrent de vraies originalités, telle l’approche « symptômale » du général, qui, utilisant l’analogie avec la psychanalyse, considère que le général doit prendre la posture du médecin au chevet de son patient et partager son attention entre le relevé des données objectives liées à la maladie et celui des signes subjectifs de la souffrance qui témoignent de la manière dont la maladie est vécue par celui qui souffre.

Ni notre blog, ni nos ouvrages, ne font partie des références de la bibliographie. Pour autant, la similitude des propos avec nos propres analyses est troublante : nombre de nos idées, que nous estimons originales, se retrouvent en effet dans cet opuscule. Force est néanmoins de reconnaitre que nous n’avons trouvé à aucun endroit une quelconque recopie mot-à-mot de nos propos. L’auteur se serait-il donc inspiré de nos travaux sans en faire mention ? Impossible d’en avoir la certitude.

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Clausewitz et Sun Tzu

Une étude comparative des deux plus célèbres penseurs militaires

Clausewitz et Sun Tzu vient de paraître. Deuxième titre des éditions Amiot (après Wu Zixu, inspirateur de Sun Tzu), il s’agit là encore d’un recueil retravaillé des billets parus sur ce blog. Sans surprise, la thématique est ici une comparaison des systèmes de pensée de Clausewitz et de Sun Tzu. Ces deux mastodontes de la pensée militaire traitent de thématiques communes, mais en apportant des recommandations pouvant être en totale opposition. La mise en parallèle de leurs écrits respectifs permet ainsi de mieux appréhender l’essence même de leur système.

Après une réflexion sur la forme que présentent L’Art de la guerre et De la guerre, les deux œuvres phares de Sun Tzu et Clausewitz, l’étude détaille les principales différences existant entre chaque traité sur le plan des fondements de la stratégie (la guerre en tant qu’objet, son objectif) et sur une sélection de grandes thématiques militaires tels le renseignement, la logistique, ou même le rôle du chef.

Si vous avez apprécié les billets de ce blog, n’hésitez pas à vous en offrir la compilation remaniée et enrichie !

46 pages aux éditions Amiot. 5 € en version papier, 1 € en numérique.

Source de l’image : Couverture de l’auteur

Le pillage : une idée à explorer ?

Du pillage

Le pillage : un procédé pas si caduc que ça…

« Pillez en terrain de diligence. » (chapitre 11)

Indubitablement, Sun Tzu préconise le pillage. Deux raisons à cela : assurer sa logistique, et motiver ses hommes (en leur promettant de se récompenser sur la bête).

Assurer sa logistique :

« Qui est habile à conduire les armées ne procède jamais à deux levées consécutives ni n’a besoin de trois réquisitions de grains. Ses ressources propres lui suffisent et il puise ses vivres chez l’ennemi. C’est ainsi qu’il assure la subsistance de ses troupes. » (chapitre 2)

« Un général avisé s’emploie à vivre sur l’ennemi. Car une mesure prise sur lui en épargne vingt acheminées depuis l’arrière. Un boisseau de fourrage mangé chez lui en vaut vingt venus de l’arrière. » (chapitre 2)

« On pourvoit aux besoins en nourriture des troupes en pillant les campagnes fertiles. » (chapitre 11)

Motiver ses hommes :

« En appâtant [ses hommes] par la promesse de récompenses, [le général] les incite à attaquer l’ennemi pour s’emparer du butin. » (chapitre 2)

« Quand on pille une région, on répartit le butin entre ses hommes ; lorsqu’on occupe un territoire, on en distribue les profits. » (chapitre 7)

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L’étude du terrain, un propos vieilli

Terrains

Le choix du terrain est primordial

Surtout concentrée dans les chapitres 9 à 11, une part importante de L’art de la guerre est consacrée à l’étude des terrains. Sun Tzu en livre plusieurs catégorisations :

« Qui ignore la nature du terrain – montueux ou boisé, accidenté ou marécageux – ne pourra faire avancer ses troupes. » (chapitre 7, propos répété quasi in extenso au chapitre 11)

« Montagnes […] milieu fluvial […] zone marécageuse [et] terrain plat. Ces quatre positions avantageuses furent celles qui permirent à l’Empereur Jaune de venir à bout des Quatre Souverains. » (chapitre 9)

« Un terrain peut être accessible, scabreux, neutralisant, resserré, accidenté ou lointain. » (chapitre 10)

« A la guerre, un terrain peut être de dispersion, de négligence, de confrontation, de rencontre, de communication, de diligence, de sape, d’encerclement ou d’anéantissement. » (chapitre 11)

Si les deux premières pourraient être considérées d’un seul tenant, Sun Tzu établissant ici une classification sous le prisme de la topographie, les deux dernières sont plus fourre-tout : pour le chapitre 10, la catégorisation résulte soit de la nature du terrain (pour les « accessibles » et « scabreux »), soit de l’avantage obtenu en cas de confrontation (pour les « neutralisants » et « lointains ») :

« On appelle accessible un théâtre sur lequel les deux belligérants disposent d’une totale liberté de mouvements […] On appelle scabreux un lieu où il est aisé de s’engager et difficile de se dégager […] On appelle neutralisant un lieu où aucune des deux parties n’a intérêt à prendre l’initiative […] Une terre lointaine est celle où, à forces égales, il est hasardeux de provoquer l’ennemi » (chapitre 10)

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Sun Tzu ne prône pas l’assimilation des peuples conquis

Seule compte la victoire

Seule compte la victoire

Au risque d’aller à l’encontre d’une idée commune, nous affirmons que Sun Tzu ne s’intéressait pas à l’état final recherché. Il ne prétendait pas non plus à l’assimilation des terres conquises. Pourtant, une de ses plus célèbres maximes pourrait y faire croire :

« Etre victorieux dans tous les combats n’est pas le fin du fin ; soumettre l’ennemi sans croiser le fer, voilà le fin du fin. » (chapitre 3)

Si la recherche d’une victoire sans combat est effectivement la façon idéale de remporter la victoire, et donc celle qu’il faut viser, elle n’est cependant pas la seule. Dès lors que l’objectif ne peut être atteint sans effusion de sang, Sun Tzu envisage parfaitement de recourir à l’affrontement armé violent. Tout le reste de son traité est d’ailleurs consacré à ce « plan B » : comment bien conduire la bataille.

On voit fréquemment interprété la citation précédente en affirmant que l’objectif de Sun Tzu est de soumettre l’ennemi, pas de l’écraser. Nous pensons que cela est faux : pour Sun Tzu, le général ne cherche pas à assimiler l’adversaire : il a comme unique objectif de remporter la victoire dans la guerre que lui a confiée le souverain. Nulle part Sun Tzu écrit qu’il faut respecter les populations conquises : c’est une interprétation postérieure, reposant notamment sur les autres écrits chinois de stratégie. Mais pas celui de Sun Tzu.

Lorsque L’art de la guerre préconise de traiter humainement les prisonniers, c’est uniquement pour que les troupes adverses, connaissant notre clémence, n’hésitent pas à se rendre. C’est bien pour répondre à l’injonction :

« Des soldats qui n’ont d’autre alternative que la mort se battent avec la plus sauvage énergie. N’ayant plus rien à perdre, ils n’ont plus peur ; ils ne cèdent pas d’un pouce, puisqu’ils n’ont nulle part où aller. » (chapitre 11)

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