2000e abonné au fil Twitter Sun Tzu dit

La tendance de l’année : Sun Tzu vu comme un guerrier ?

La tendance de l’année : Sun Tzu vu comme un guerrier ?

Le cap du 2000e abonné vient d’être franchi pour notre fil Twitter postant deux fois par jour (à 7h00 et à 17h00) une citation de Sun Tzu.

Alors que la progression du nombre d’abonnés était relativement linéaire depuis sa création en mars 2012, une accélération s’est faite ressentir en début d’année 2015. Les attentats de Charlie Hebdo n’y sont peut-être pas étrangers : pendant plusieurs mois, la majeure partie des nouveaux venus affichait un profil arabo-musulman (alors que les profils non occidentaux provenaient jusque là quasi-exclusivement d’Afrique francophone), dont une frange présentant ouvertement une incitation au jihad.

Doit-on y lire une évolution dans la perception de Sun Tzu ? Depuis sa véritable découverte en Occident, L’art de la guerre s’est essentiellement révélé une source d’inspiration pour l’entreprise et la société civile. Se pourrait-il qu’apparaisse un renouveau du stratège chinois vu comme une icône guerrière ? Après la déferlante d’adaptations à tous les domaines imaginables que nous avons connue ces dernières années, le temps est peut-être venu de publier un « L’art de la guerre pour les militaires » …

Terminons avec les citations les plus retweetées depuis le début de l’année : Continuer la lecture

Deadpool : L’art de la guerre

Sun Tzu et Deadpool : mariage improbable pour un résultat incertain...

Sun Tzu et Deadpool : mariage improbable pour un résultat incertain…

Un nouvel OVNI vient d’apparaitre dans l’univers de Sun Tzu : le comics « Deadpool : L’art de la guerre ».

Cette bande dessinée est un mélange surprenant entre les aventures « normales » du super-héros trash Deadpool et le traité de Sun Tzu…

Créé en 1991, Deadpool est un personnage relativement décalé de l’univers Marvel (humour permanent, mises en abyme, etc.). L’annonce de son adaptation en film (la sortie est programmée pour février 2016) a provoqué ces derniers mois une déferlante de traductions en France. C’est dans ce cadre que ce croisement improbable avec Sun Tzu arrive sur nos côtes, moins d’un an après sa parution outre-Atlantique.

L’histoire ? Fort de son expérience de combattant, Deadpool tombe sous le charme de L’art de la guerre et décide d’étudier sa mise application en provoquant une guerre entre Thor et son frère Loki, puis entre Loki et la Terre entière… Cette trame narrative permet à l’anti-héros d’égrainer les conseils de Sun Tzu, soit à l’un des participants, soit en voix off pour expliquer une défaite ou une victoire.

Les préceptes de L’art de la guerre sont assez souvent malmenés : parfois pris dans un sens très réducteur, ils sont même par endroits compris de travers, quand ils ne sont tous simplement pas écartés ! Nous sommes très loin des bandes dessinées entièrement consacrées à Sun Tzu comme celle de Wang Xuanming ou de Tsai Chih Chung.

Signé Peter David pour le scénario et Scott Koblish pour le dessin, ce comics de 96 pages est vendu 13 € aux éditions Panini. Il comprend l’aventure complète, originellement parue aux Etats-Unis en 4 numéros de décembre 2014 à mars 2015, et inclut en bonus une aventure de 8 pages datant de 2008 (sans rapport avec l’histoire précédente). La couverture est rigide et le papier de qualité. Il est au passage amusant de constater le flou artistique des Américains entre la Chine et le Japon (toutes les illustrations de couverture sont des pastiches de peintures japonaises…)

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La version de Lucien Nachin n’est pas celle du père Amiot

Page de garde de la version originelle de 1948

Un texte que l’on trouve aujourd’hui estampillé « traduit par le père Amiot » mais qui ne l’était pourtant pas lors de sa sortie en 1948

En 1948 paraissait un ouvrage intitulé Sun Tse et les anciens Chinois. La page de garde indiquait « présentés et annotés par Lucien Nachin » et, en dehors de l’introduction, nulle mention n’était faite du père Amiot. Et pour cause : le texte présenté ici était fort différent de celui paru en 1772.

Nous avions précédemment constaté que la version de Lucien Nachin était 20 % moins longue que l’original du père Amiot (19 190 mots contre 24 969). La raison en est que l’ancien militaire élaguait ce qu’il jugeait inutile ou redondant. Le chapitre 11 s’achève par exemple ainsi :

Père Amiot : « Avant que la campagne soit commencée, soyez comme une jeune fille qui ne sort pas de la maison ; elle s’occupe des affaires du ménage, elle a soin de tout préparer, elle voit tout, elle entend tout, elle fait tout, elle ne se mêle d’aucune affaire en apparence. La campagne une fois commencée, vous devez avoir la promptitude d’un lièvre qui, se trouvant poursuivi par des chasseurs, tâcherait, par mille détours, de trouver enfin son gîte, pour s’y réfugier en sureté. »

Lucien Nachin : « Quand la campagne n’est pas commencée, soyez comme une jeune fille dans sa maison. Quand la campagne est entamée, ayez du lièvre la promptitude et l’ennemi ne pourra tenir devant vous. »

Au-delà de cette compression, Lucien Nachin a surtout reformulé une grande partie du texte de 1772 :

« Certaines expressions, en vieillissant, ont perdu de leur vigueur ; d’autres sont devenues désuètes ; pour la clarté, quelques-unes doivent céder la place à des termes plus modernes et dont le sens est admis par tous. » (Introduction de Lucien Nachin à l’édition de 1948)

La « modernisation » est loin d’être anodine pour le texte. Comparons, à titre d’exemple, la fin du chapitre 1 pour les deux versions : Continuer la lecture

« Traduction du père Amiot » : de quoi parle-t-on ?

Pierre tombale du père Amiot, en Chine. 200 ans après sa mort, le jésuite publiait toujours de nouveaux textes…

Pierre tombale du père Amiot, en Chine. 200 ans après sa mort, le jésuite publiait toujours de nouveaux textes…

L’intégralité des versions de L’art de la guerre disponibles gratuitement, et une bonne partie des payantes, affirment être des traductions du père Amiot. Ce n’est pourtant le cas que d’un très petit nombre d’entre elles, toutes les autres étant des textes produits à partir de la version de 1772, mais s’en éloignant au final suffisamment pour que l’on ne puisse plus considérer qu’il s’agisse du même texte. Trois voire quatre textes différents se réclament ainsi « du père Amiot ».

Le premier est l’original. Continuer la lecture

Des raisons de l’imposture du père Amiot

Le père Amiot. Des sources de piètre qualité dans une langue difficile ont conduit le jésuite à produire une traduction aujourd’hui largement surpassée.

Le père Amiot. Des sources de piètre qualité dans une langue difficile ont conduit le jésuite à produire une traduction aujourd’hui largement surpassée.

Après avoir vu dans le billet précédent pourquoi la traduction du père Amiot avait pu être qualifiée d’« imposture » par le sinologue britannique Lionel Giles, nous allons maintenant chercher à en comprendre les raisons.

Force est déjà de constater que le texte livré par le père Amiot est 2,5 fois plus long que les traductions modernes (24969 mots contre 9668 pour celle de Jean Lévi[1]). La raison en est que le père Amiot mêlait à sa traduction commentaires et explications de texte[2]. Le jésuite ne s’en cachait d’ailleurs pas :

« J’entrepris donc, non pas de traduire littéralement, mais de donner une idée de la manière dont les meilleurs auteurs chinois parlent de la guerre, d’expliquer d’après eux leurs préceptes militaires, en conservant leur style autant qu’il m’a été possible, sans défigurer notre langue, et en donnant quelque jour à leurs idées, lorsqu’elles étaient enveloppées dans les ténèbres de la métaphore, de l’amphibologie, de l’énigme ou de l’obscurité. » (Discours du traducteur in Art militaire des Chinois, 1772, pp. 6 à 9.)

Il est cependant curieux d’observer que si de nombreux commentaires sont inclus dans le texte, certains en revanche figurent en note de bas page :

« Il y a, dit le commentateur, neuf sortes de terrains où une armée peut se trouver ; il y a par conséquent neuf sortes de lieux sur lesquels elle peut combattre ; par conséquent encore il y a neuf manières différentes d’employer les troupes, neuf manières de vaincre l’ennemi, neuf manières de tirer parti de ses avantages, et neuf manières de profiter de ses pertes mêmes. C’est pour mieux faire sentir la nécessité de bien connaître le terrain, que Sun-tse revient plus d’une fois au même sujet, et qu’il place cet article immédiatement après celui où il traite expressément de la connaissance du terrain. » (chapitre 11)

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