Sun Tzu France attaque sa 4e année d’existence

L'aventure se poursuit

L’aventure se poursuit

Comme chaque début d’année, nous nous démarquons en ne consacrant pas un billet à vous présenter nos vœux, mais à célébrer notre anniversaire… Trois années se sont en effet écoulées depuis notre tout premier billet Sans la marine, tout devient possible ! [1].

Nous allons prochainement atteindre la barre des 200 billets publiés. Les sujets ne manquent toujours pas, et nous avons déjà suffisamment d’idées en tête pour remplir une année au rythme d’écriture que nous nous sommes fixés d’une publication tous les six jours. Sans compter que l’actualité de Sun Tzu ne faiblit pas et que nous nous faisons fort de la suivre, au moins pour sa partie française. Ce rythme soutenu nous oblige bien souvent à livrer des billets mal finis, peu affinés, et qui mériteraient une sérieuse relecture s’ils devaient être publiés sur un support moins évanescent qu’un blog. Mais c’est justement parce qu’ils n’ont pas cette contrainte de polissage que nous arrivons à tenir le rythme de production.

Les billets les plus lus cette année ont été :

Les deux premiers billets étant très loin devant les autres (un facteur 6 de fréquentation entre le premier et le cinquième).

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Des propos qui demeurent obscurs

Un texte présentant de nombreux écueils aux traducteurs

Un texte présentant de nombreux écueils aux traducteurs

Nous avons vu dans le billet Un traité volontairement obscur que les maximes de Sun Tzu pouvaient bien souvent se révéler particulièrement ardues à traduire en français à cause, entre autres, de l’élasticité de la langue classique chinoise. Si la plupart du temps Jean Lévi s’engage dans sa traduction et livre un texte compréhensible en prenant parti sur les amphibologies du texte original, certains propos demeurent néanmoins encore hermétiques. Le traducteur est en effet confronté au dilemme de devoir également rendre le plus fidèlement possible les propos du texte original, jusque dans ses incompréhensibilités.

Ces dernières se constatent très bien par la confrontation des glossateurs historiques, qui avaient par endroits des compréhensions totalement divergentes de certains des passages de L’art de la guerre. Prenons un exemple :

« L’analyse stratégique comprend : les superficies, les quantités, les effectifs, la balance des forces et la supériorité. Du territoire dépendent les superficies, les superficies conditionnent les quantités, les quantités les effectifs, les effectifs la balance des forces, la balance des forces la supériorité. » (chapitre 4)

Ces propos obscurs de Sun Tzu, non développés par la suite dans le traité, obligent Jean Lévi à en éclairer le sens dans une note explicative :

Chacun de ces termes est analysé par les commentateurs ; en fait, ceux-ci se répètent ou se contredisent. On peut néanmoins, dans cette cacophonie, dégager, deux interprétations. Soit il s’agit, dans un sens restrictif, de l’examen du théâtre des opérations et des différentes étapes des supputations qui conduisent à prédire l’issue de la guerre ; soit on donne un sens plus général à la comparaison, et il s’agit du calcul des atouts respectifs des deux principautés. Ti (terres) signifiant aussi bien « territoire » que « terrain », où se déroule la bataille.[1]

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Les éditions numériques de L’art de la guerre

L'offre Kindle.

L’offre Kindle.

Aussi curieux que cela puisse paraitre, alors qu’il existe une vingtaine de traductions françaises du traité de Sun Tzu en version papier, il ne s’en trouve pratiquement qu’une unique en version numérique : celle libre de droits du Père Amiot (ou plutôt « théoriquement libre de droits », car comme nous l’avons vu dans le billet De l’imposture des traductions dites du père Amiot, la véritable version du père Amiot n’est quasiment jamais publiée : celles communément diffusées sont en réalité des textes dont le plus ancien remonte à 1948, et le plus récent à 2009 !)

En nous cantonnant aux e-books (version Kindle d’Amazon, iBooks d’Apple, ou Google Play de Google), il existe plusieurs dizaines de versions. Et quelques-unes de plus si l’on rajoute les PDF accessibles directement sur Internet. Mais à bien y regarder, si l’on ne rentre pas dans le détail de la version du père Amiot dont il s’agit, seule la couverture change à chaque fois !

Deux exceptions à ce tableau : une version pour iPad uniquement, basée sur la traduction de Valérie Niquet, et enrichie de vidéos de différentes personnalités contemporaines commentant le texte ; nous y avions consacré un billet complet. Et la traduction d’Alexis Lavis parue aux Presses du Châtelet sur Google Play. Pourquoi juste celle-là et pas les autres ? Mystère…

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Comment se sont composés les treize chapitres de L’art de la guerre ?

L'art de la guerre était originellement écrit sur des lattes de bambou

L’art de la guerre était originellement écrit sur des lattes de bambou

Nous avions vu dans notre billet De quand date le texte de L’art de la guerre que nous connaissons ? que si Sun Tzu avait formalisé sa pensée durant la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., le traité lui-même a pu n’être écrit que bien plus tardivement. La plus ancienne version qui nous soit parvenue, le manuscrit du Yinqueshan, ne date d’ailleurs que de 130 av. J.-C.

Pour autant, les spécialistes estiment que L’art de la guerre a probablement été composé par agrégation durant la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. Il est en effet probable que le traité que nous connaissons aujourd’hui ne soit pas le fruit d’un auteur unique, mais que plusieurs strates d’écritures, de réécritures, voire de commentaires, soient à l’origine du texte que nous utilisons aujourd’hui comme référence (cf. notre billet Sun Tzu est-il le véritable auteur de L’art de la guerre ?). Comme le fait remarquer Jean Lévi, des preuves de cette activité d’assemblage se retrouvent tout au long du traité : chaque chapitre est composé de nombreux passages très courts, parfois réduits à une unique phrase ; si ces passages sont généralement reliés par thème au titre du chapitre, ils le sont bien souvent de façon lâche et, dans certains chapitres, le propos est tout autre ; certains préceptes semblent provenir d’un autre chapitre ; quelques phrases sont reproduites mot pour mot dans plus d’un chapitre ; enfin, certaines maximes semblent tout simplement n’être que des commentaires ultérieurs, incorporés dans le texte original par erreur de recopie.

Un exemple frappant de cette activité d’assemblage nous est donné par le manuscrit du Yinqueshan : à la liste des grands hommes dont l’activité d’agents doubles permirent à des royaumes de s’assurer l’hégémonie (« Les Yin durent leur triomphe à la présence de Yi Yin à la cour des Hsia, les Tcheou à celle de Liu Ya chez les Yin. », chapitre 13), apparait le nom de Sou Ts’in, dont le rôle d’espion à la solde du Yen aurait été révélé à la suite de son assassinat en …321 av. J.-C., alors que nous savons que le traité a dû commencer d’exister formellement un peu avant cette période.

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Sun Tzu ne prône pas l’assimilation des peuples conquis

Seule compte la victoire

Seule compte la victoire

Au risque d’aller à l’encontre d’une idée commune, nous affirmons que Sun Tzu ne s’intéressait pas à l’état final recherché. Il ne prétendait pas non plus à l’assimilation des terres conquises. Pourtant, une de ses plus célèbres maximes pourrait y faire croire :

« Etre victorieux dans tous les combats n’est pas le fin du fin ; soumettre l’ennemi sans croiser le fer, voilà le fin du fin. » (chapitre 3)

Si la recherche d’une victoire sans combat est effectivement la façon idéale de remporter la victoire, et donc celle qu’il faut viser, elle n’est cependant pas la seule. Dès lors que l’objectif ne peut être atteint sans effusion de sang, Sun Tzu envisage parfaitement de recourir à l’affrontement armé violent. Tout le reste de son traité est d’ailleurs consacré à ce « plan B » : comment bien conduire la bataille.

On voit fréquemment interprété la citation précédente en affirmant que l’objectif de Sun Tzu est de soumettre l’ennemi, pas de l’écraser. Nous pensons que cela est faux : pour Sun Tzu, le général ne cherche pas à assimiler l’adversaire : il a comme unique objectif de remporter la victoire dans la guerre que lui a confiée le souverain. Nulle part Sun Tzu écrit qu’il faut respecter les populations conquises : c’est une interprétation postérieure, reposant notamment sur les autres écrits chinois de stratégie. Mais pas celui de Sun Tzu.

Lorsque L’art de la guerre préconise de traiter humainement les prisonniers, c’est uniquement pour que les troupes adverses, connaissant notre clémence, n’hésitent pas à se rendre. C’est bien pour répondre à l’injonction :

« Des soldats qui n’ont d’autre alternative que la mort se battent avec la plus sauvage énergie. N’ayant plus rien à perdre, ils n’ont plus peur ; ils ne cèdent pas d’un pouce, puisqu’ils n’ont nulle part où aller. » (chapitre 11)

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