Nous avons rassemblé dans ce dixième et dernier billet consacré à l’étude comparative des systèmes de Clausewitz et Sun Tzu quelques idées sans grands liens entre elles, mais pour lesquelles nous n’avions pas suffisamment de matière nous permettant d’en faire des billets complets. Du vrac, donc !…
Les deux stratèges diffèrent dans le concept-clé de Clausewitz nommé « centre de gravité ». Pour le stratège prussien, ce dernier est unique et constant. Pour Sun Tzu au contraire, il est pluriel et versatile. Nous avons développé ce sujet dans notre billet Du modelage de l’ennemi où, à travers l’image du boxeur, nous illustrions bien toute la différence entre la théorie clausewitzienne et celle suntzéenne.
Pour les deux stratèges, le rapport de force se crée fondamentalement et de manière instable et délicate dans le rapport affectif du peuple et du souverain, ainsi que du peuple sous les armes et du commandement militaire, rapports qui dans un camp (plus que dans l’autre) permettent, le moment venu, de demander à la population un effort exceptionnel. Les formulations sont dans la forme très différentes, mais l’idée reste la même. Notons toutefois que si Clausewitz s’attarde beaucoup sur l’importance des forces morales, il ne les traite que pour son propre camp et n’envisage pas la possibilité, comme le fait Sun Tzu, de chercher à affaiblir celles de l’ennemi.
Sun Tzu et Clausewitz s’accordent sur le fait que la guerre ne doit naître que d’une volonté politique :
« La guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques, avec l’appoint d’autres moyens. […] En réalité, les guerres ne sont, comme nous l’avons déjà dit, que des manifestations de la politique elle-même. […] La politique est la faculté intellectuelle, la guerre n’est que l’instrument, et non l’inverse. Subordonner le point de vue militaire au point de vue politique est donc la seule chose que l’on puisse faire. » (Livre VIII, chapitre 6, partie B)
« En règle générale, le chef de guerre, après en avoir reçu l’ordre de son maître, rameute ses troupes, concentre ses multitudes et plante son camp face à l’ennemi. » (chapitre 7)
Mais Sun Tzu avait beaucoup moins conscience que son successeur que la guerre était un affrontement des volontés, et que l’issue du conflit pouvait se jouer davantage sur la détermination des protagonistes que sur les rapports de forces ou l’intelligence tactique des généraux.
Sun Tzu affirme qu’une fois l’ordre de se mettre en marche donné, il ne doit plus y avoir d’immixtion du politique dans la conduite des opérations :
« Il est des ordres royaux à ne pas obéir. » (chapitre 8)
Clausewitz, lui, est beaucoup plus mesuré sur la légitimité du général à désobéir aux ordres du prince. Il n’évoque cette idée que très furtivement dans le Livre VIII, chapitre 6, partie B, en considérant que le politique se doit d’être irréprochable et ne doit pas interférer dans le domaine du militaire. Mais sans écrire explicitement que sinon, le militaire est autorisé à désobéir au politique.
Source de l’image : Infographie de l’auteur