Le génie militaire, la (fausse) recette de la victoire ?

Génie militaire

Il existe encore de par le monde des génies militaires capables de rivaliser avec Sun Tzu…

Vous connaissez sans doute cette fable moderne du vieil homme d’affaires qui, au soir de sa vie, transmet à son fils le secret de sa réussite : « Achète lorsque le cours est bas, vends lorsque le cours est haut, et tu feras fortune ! ». Bien entendu, le fils ne sait comment mettre en pratique ce précepte, qui est pourtant réellement l’unique principe qu’a suivi le père pour bâtir sa fortune.

Nous retrouvons ce même type de recommandations, apparemment stériles, dans L’art de la guerre qui explique que, pour vaincre, le général doit tout simplement être bon :

 « Celui qui sait le mieux doser les stratégies directes et indirectes remportera la victoire. » (chapitre 7)

L’art de la guerre n’explicite pas en termes concrets comment « posséder à fond la dialectique du direct et de l’indirect ». Pour Sun Tzu, le général doit avoir le coup d’œil, l’intuition et le génie créatif pour remporter la victoire. Et il ne livre pas le procédé permettant d’atteindre cette excellence : ses recommandations sont plus là à titre d’exemples de ce que le génie peut produire que comme un catalogue doctrinal qui serait exhaustif.

Comme nous l’avions vu dans le billet Du charisme du général, la majorité des qualités requises pour être général est innée, la guerre se gagnant d’abord grâce au choix judicieux du souverain qui aura su désigner le bon chef des armées.

Une explication parfois avancée de cette absence de procédures concrètes est qu’il s’agirait d’un choix délibéré de Sun Tzu, afin que ce dernier puisse conserver son prestige de maître de la guerre. Ce qui pourrait être étayé par des maximes telles que :

« C’est grâce à un dispositif déterminé que j’ai emporté une victoire que chacun a pu constater, mais le vulgaire n’y a vu que du feu. Car si n’importe qui est à même de connaître la manœuvre gagnante, nul ne peut remonter au processus qui m’a permis d’édifier la configuration victorieuse. » (chapitre 6)

Cette hypothèse nous paraît toutefois peu recevable, étant donné que pour Sun Tzu, la guerre présente certes un aspect technique, mais également un aspect artistique qui permettra aux génies militaires d’avoir le dessus :

« Tels sont les stratagèmes qui apportent la victoire et qui ne peuvent s’apprendre. » (chapitre 1)

Sun Tzu ne devrait donc pas craindre de livrer ses recettes puisque seul un esprit de son niveau serait capable de les recréer. Et que, si son niveau de génie est égalé, ce rival recréera de lui-même la logique conduisant à la victoire. Dès lors, l’artiste peut sans peine se décrire de façon évasive :

« Il existe cinq cas où l’on peut prévoir la victoire :
Qui sait quand il faut combattre et quand il faut s’en abstenir sera victorieux.
Qui sait commander aussi bien à un petit nombre qu’à un grand nombre d’hommes sera victorieux.
Celui qui sait harmoniser la volonté des inférieurs et des supérieurs aura la victoire.
Celui qui affronte un ennemi qui n’est pas préparé remportera la victoire.
Celui dont les officiers sont compétents et n’a pas à pâtir de l’ingérence du souverain remportera la victoire. »
(chapitre 3)

Peut-on alors conclure que Sun Tzu s’adresse réellement aux militaires ? Son traité n’est-il pas qu’un gigantesque miroir des princes, ne s’adressant qu’aux souverains ?

Si cela était vrai, tout le contenu de ce blog n’aurait plus de raison d’être. En effet, nous essayons billet après billet d’analyser les enseignements de Sun Tzu pour décrypter son système. Ce faisant, nous partons du principe qu’il y a un enseignement utile et concret à retirer du traité.

Par exemple, le dernier précepte relatif à la non immixtion du souverain dans la conduite de la guerre une fois celle-ci engagée semble de prime abord s’adresser au souverain. Mais il pourrait en réalité l’être au général : Sun Tzu enjoindrait en effet alors à ce dernier de clairement fixer les règles du jeu avec le souverain au moment de sa désignation à la tête des armées : « Si vous me choisissez, je n’accepterai pas de recevoir d’ordres de votre part une fois le conflit engagé. »

Donc, nous pouvons conclure que Sun Tzu livre un mélange de recommandations concrètes (plus ou moins explicites), recommandations dont l’étude est un des objets de ce blog, et de constatations sur l’obligation de posséder un certain génie militaire, la technique seule ne suffisant pas.

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