Nous avons vu dans le billet Un traité volontairement obscur que les maximes de Sun Tzu pouvaient bien souvent se révéler particulièrement ardues à traduire en français à cause, entre autres, de l’élasticité de la langue classique chinoise. Si la plupart du temps Jean Lévi s’engage dans sa traduction et livre un texte compréhensible en prenant parti sur les amphibologies du texte original, certains propos demeurent néanmoins encore hermétiques. Le traducteur est en effet confronté au dilemme de devoir également rendre le plus fidèlement possible les propos du texte original, jusque dans ses incompréhensibilités.
Ces dernières se constatent très bien par la confrontation des glossateurs historiques, qui avaient par endroits des compréhensions totalement divergentes de certains des passages de L’art de la guerre. Prenons un exemple :
« L’analyse stratégique comprend : les superficies, les quantités, les effectifs, la balance des forces et la supériorité. Du territoire dépendent les superficies, les superficies conditionnent les quantités, les quantités les effectifs, les effectifs la balance des forces, la balance des forces la supériorité. » (chapitre 4)
Ces propos obscurs de Sun Tzu, non développés par la suite dans le traité, obligent Jean Lévi à en éclairer le sens dans une note explicative :
Chacun de ces termes est analysé par les commentateurs ; en fait, ceux-ci se répètent ou se contredisent. On peut néanmoins, dans cette cacophonie, dégager, deux interprétations. Soit il s’agit, dans un sens restrictif, de l’examen du théâtre des opérations et des différentes étapes des supputations qui conduisent à prédire l’issue de la guerre ; soit on donne un sens plus général à la comparaison, et il s’agit du calcul des atouts respectifs des deux principautés. Ti (terres) signifiant aussi bien « territoire » que « terrain », où se déroule la bataille.[1]