Que vaut un soldat ?

Un soldat est-il plus que de la chair à canon ?

Un soldat est-il plus que de la chair à canon ?

Il n’est pas immédiat de comprendre si Sun Tzu considère ou non que le soldat a de l’importance. En effet, d’un côté il annonce qu’il faut aimer ses hommes :

« Pour peu que leur chef les aime comme un nouveau-né et les chérisse comme un fils bien aimé, les soldats seront prêts à le suivre en enfer et à lui sacrifier leur vie. » (chapitre 10)

Et de l’autre il ne semble pas leur accorder plus de considération qu’à du bétail :

« Il incombe [au général] d’obstruer les yeux et les oreilles de ses hommes pour les tenir dans l’ignorance. […] Il occupe [la multitude de ses armées] avec des tâches et ne s’embarrasse pas de lui en expliquant le pourquoi ; il l’excite par la perspective de profits en se gardant bien de la prévenir des risques. » (chapitre 11)

Qu’en est-il donc réellement ?

Sun Tzu considère que « la position stratégique » est prépondérante sur les qualités guerrières de la troupe :

« L’habile homme de guerre s’appuie sur la position stratégique et non sur des qualités personnelles. C’est pourquoi il sait choisir les hommes et jouer des dispositions. […] Celui qui sait employer ses hommes au combat leur insuffle la puissance de pierres rondes dévalant les pentes abruptes d’une montagne haute de dix mille pieds. Telle est l’efficacité de la configuration stratégique. » (chapitre 5)

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Sun Tzu le mathématicien

Une page d’une édition de la dynastie Qing du manuel de mathématiques de Sun Tzu

Une page d’une édition de la dynastie Qing du manuel de mathématiques de Sun Tzu

Connaissez-vous Sun Tzu ?

Non, l’autre, le mathématicien.

Sun Tzu (ou Sun Zi si l’on s’en tient à transcription par le système pinyin[1]) était un mathématicien et astronome chinois vivant probablement aux alentours de 300 après J.-C.. En réalité, on ne sait quasiment rien de la vie de ce Sun Tzu. Jusqu’au XVIIe siècle, il fut même longtemps confondu avec son homonyme stratège[2] ! Aujourd’hui, le siècle même de la composition de ses écrits mathématiques reste sujet à caution…

Outre ses travaux sur l’élaboration d’un calendrier, il est surtout connu pour avoir publié un traité de mathématiques que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de « Classique mathématique de Sun Tzu » (ou « Calculs classiques de Sun Tzu », Sun Zi Suan Jing). Ce traité se vit attribuer le rang de classique des mathématiques durant la dynastie Tang (618 – 907 ap. J.-C.), à l’instar de L’art de la guerre de Sun Tzu qui, lui, fut désigné par l’empereur Yuan Feng (1078-1085) comme faisant partie des sept classiques de la stratégie (sur le modèle des Treize Classiques du confucianisme). Son traité ne semble pas avoir été traduit en français. En revanche, une traduction intégrale existe en anglais[3]. Dans ce texte, figure la plus ancienne version connue du problème que l’on nomme aujourd’hui « théorème des restes chinois » :

« Soit des objets dont on ignore le nombre. En les comptant 3 par 3 il en reste 2 ; en les comptant 5 par 5, il en reste 3 et en les comptant 7 par 7, il en reste 2. Combien y a-t-il d’objets ? »

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Que faire si votre adversaire a aussi lu Sun Tzu ?

Rien n'empêche l'adversaire d'avoir les mêmes lectures que nous

Rien n’empêche l’adversaire d’avoir les mêmes lectures que nous

Sujet d’étude de ce blog, L’art de la guerre expose un certain nombre de préceptes devant nous permettre de gagner la guerre :

« Le général qui se fie à mes calculs sera nécessairement victorieux : il faut se l’attacher ; le général qui se refuse à les entendre sera régulièrement défait : il faut s’en séparer ! » (chapitre 1)

Sun Tzu a poussé sa réflexion jusqu’à envisager que l’adversaire puisse agir de même. Il en a alors déduit un certain nombre de parades qu’il distille au fil du traité. Ainsi, lorsque Sun Tzu enjoint d’élaborer une manœuvre visant à façonner l’ennemi, le stratège prévoit aussi que l’ennemi cherchera à faire de même et invite dès lors à établir une configuration qui, en plus de façonner l’adversaire, donnera à ce dernier l’impression qu’il a, lui, réussi à nous façonner :

« La tâche d’un bon militaire consiste à feindre de se conformer aux desseins de l’ennemi. Alors, groupant ses forces sur un seul point, il fond sur lui depuis mille lieues et tue ses généraux. Voilà ce qui s’appelle réaliser ses buts grâce à sa ruse et ses capacités. » (chapitre 11)

De même, en auto-réponse au grand thème de la duperie qu’il développe, Sun Tzu revient à plusieurs endroits sur le besoin de prévenir toute velléité de l’adversaire en ce sens :

« On ne poursuit pas une armée dont la retraite est simulée […] on ne gobe pas l’appât que l’adversaire vous tend » (chapitre 7)

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Une nouvelle publication à la demande de L’art de la guerre

Une nouvelle version CreateSpace sans intérêt

Une nouvelle version CreateSpace sans intérêt

Nous nous étions récemment engagés à ne plus recenser les éditions de L’art de la guerre qui sortiraient en édition à la demande. Nous considérons en effet que dans le cas du traité de Sun Tzu, ce type de création n’a vocation qu’à publier la version du père Amiot, en théorie libre de droit (mais en réalité non), sans valeur ajoutée. Nous allons pourtant ici déroger à ce principe, intrigués que nous avons été par l’annonce d’un texte bilingue français-chinois.

Le présent ouvrage est bien un produit CreateSpace (vendu 7,46 € sur Amazon). Curieusement, il est réalisé par un jeune Sino-américain, expliquant qu’une bonne partie du texte d’environnement soit en anglais.

Mais en réalité, nous n’avons affaire ici qu’à la traduction brute du père Amiot (version de L’impensé radical) suivie de la version chinoise. Sans rien de plus : aucun texte additionnel n’est présent. Bref : aucun intérêt ! Pour rappel, nous avions présenté dans un précédent billet la version que nous recommandons.

Conclusion : passez votre chemin…

Source de l’image : photo de l’auteur

Du rejet de l’honneur

Le bon général ne doit pas rechercher les honneurs

Le bon général ne doit pas rechercher les honneurs

Le thème de l’honneur est un d’un abord relativement délicat dans L’art de la guerre. En effet, Sun Tzu y réserve un usage différent suivant que le terme est utilisé dans son acceptation de « gloire, considération des autres » ou dans celle de « réputation, fierté personnelle ». Tout en considérant qu’un grand général doit être honoré pour ses victoires, ce dernier ne doit cependant pas être mû par son honneur.

Bien sûr, les grands généraux méritent d’être « honorés » et d’être « couverts de gloire » :

« Un prince avisé et un brillant capitaine sortent toujours victorieux de leurs campagnes et se couvrent d’une gloire qui éclipse leurs rivaux grâce à leur capacité de prévision. » (chapitre 13)

Ce qui fait qu’un général mérite d’être honoré, c’est qu’il est victorieux. Mais si la « victoire » est l’objectif du chef militaire (le mot est utilisé 39 fois à travers le traité), souvenons-nous toutefois que l’objectif suprême est d’être victorieux en ayant fait couler le moins de sang possible (cf. notre billet Sun Tzu est-il un théoricien de la non-guerre ?).

La recherche de cette victoire, en un minimum de violence, se fait dès lors par tous les moyens. Seule compte la victoire. A ce titre, L’art de la guerre dépasse toute considération moralisante, tout code d’honneur. Sun Tzu va jusqu’à exalter des techniques telles que la trahison ou la corruption (appelées « mensonge » ou « stratagème » dans L’art de la guerre). Il n’est pas de « droit des conflits armés » : tous les moyens sont bons pourvu qu’ils assurent la victoire. La fin justifie les moyens…

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