Transformer les lapins en lions

Comment transformer des paysans en guerriers ?

Comment transformer des paysans en guerriers ?

Toute la réflexion de L’art de la guerre s’inscrit dans le cadre d’un univers de conscription. Sans armée professionnelle, le problème qui se pose au général est donc de transformer des paysans, n’y connaissant rien au maniement des armes, en militaires aptes à remporter des victoires. Sa solution n’est pas d’avoir une armée de métier, ni même d’instaurer un service militaire (comme le préconisait par exemple son contemporain Wu Zixu[1]), mais bien de faire avec la ressource, aussi inapte à la guerre soit-elle.

Nulle part Sun Tzu n’évoque le recours à l’entrainement, à une formation initiale du combattant. Encore moins si cet entrainement doit se faire en temps de paix ou au moment de la levée des troupes. La lecture de L’art de la guerre laisse entendre qu’il suffit de lever une armée de paysans et de bien les manœuvrer pour remporter la guerre. Or pour bien manœuvrer les troupes, il convient que ces dernières soient bien entrainées.

Comment donc le paysan se transforme-t-il en soldat ? Bien que cela ne soit pas explicitement énuméré, il nous apparaît que cette transformation s’appuie sur quatre procédés :

  • le charisme du général ;
  • la vertu ;
  • la carotte et le bâton ;
  • la mise des hommes dans une situation mortelle.

Le premier de ces piliers réside dans la capacité du général à être obéi de ses troupes :

« Qui sait commander aussi bien à un petit nombre qu’à un grand nombre d’hommes sera victorieux. Celui qui sait harmoniser la volonté des inférieurs et des supérieurs aura la victoire. » (chapitre 3)

Nous avons récemment consacré un billet à cette thématique du charisme du général, nous n’y reviendrons donc pas.

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La carotte et le bâton

La discipline est la force des armées

La discipline est la force des armées

« La guerre est subordonnée à cinq facteurs. […] Le quatrième est le commandement. » (chapitre 1)

Pour Sun Tzu, le bon commandement repose sur un savant équilibre entre fermeté et motivation.

Si la motivation peut passer par l’adhésion des hommes à une cause transcendantale (mais le sujet est polémique, cf. notre billet De la signification du dào), le meilleur moyen pour inciter la troupe à plus d’ardeur au combat réside dans la perspective d’une récompense :

« En les appâtant par la promesse de récompenses, [le général] les incite à attaquer l’ennemi pour s’emparer du butin. Lorsque, à l’issue d’un engagement, on réussit à capturer dix chars adverses, il convient de récompenser le premier qui a réalisé l’exploit. » (chapitre 2)

Sun Tzu recommande à cet égard de ne pas hésiter à se montrer très généreux :

« Un grand capitaine dispense des récompenses non prévues par la loi et promulgue des édits qui ne sont consignés dans aucun code. » (chapitre 11)

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Du charisme du général

Le chef

Le chef

« La guerre est subordonnée à cinq facteurs. […] Le quatrième est le commandement. » (chapitre1)

A travers son traité, Sun Tzu livre un certain nombre de recommandations pour mener les hommes :

« En excitant leur fureur, le général incite ses hommes à massacrer l’ennemi. » (chapitre 2)

Mais bien souvent, il expose de façon tranchée les qualités que devrait posséder le général pour diriger les troupes :

« La vertu est ce qui assure la cohésion entre supérieurs et inférieurs, et incite ces derniers à accompagner leur chef dans la mort comme dans la vie, sans crainte du danger. » (chapitre1)

Ces descriptions se cachent parfois sous l’aspect de recommandations :

« Il se doit d’étudier avec la plus grande attention tant la stratégie commandée par le terrain ou l’opportunité des avances et des replis que les lois qui président aux sentiments humains. » (chapitre 11)

Ce qui est dit dans cette maxime, c’est que le général doit être psychologue. Mais cette qualité se décrète-t-elle réellement ? Peut-on sur commande décider de « comprendre les lois qui président aux sentiments humains » ?

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Mettre ses hommes dans une situation désespérée : un précepte apocryphe ?

Vaincre ou mourir

Vaincre ou mourir

Le précepte probablement le plus iconoclaste de L’art de la guerre réside dans la recommandation de jeter ses hommes dans une situation désespérée pour les obliger à se surpasser :

« On jette [ses soldats] dans une situation sans issue, de sorte que, ne pouvant trouver le salut dans la fuite, il leur faut défendre chèrement leur vie. Des soldats qui n’ont d’autre alternative que la mort se battent avec la plus sauvage énergie. N’ayant plus rien à perdre, ils n’ont plus peur ; ils ne cèdent pas d’un pouce, puisqu’ils n’ont nulle part où aller. » (chapitre 11)

« Quand il mène ses hommes au combat, c’est comme s’il leur retirait l’échelle sous les pieds après les avoir fait grimper en haut d’un mur. Il pénètre profondément à l’intérieur du territoire ennemi et appuie sur la détente. Il brûle ses vaisseaux et casse ses marmites. » (chapitre 11)

« Il est dans la nature des soldats de se défendre quand ils sont encerclés, de se battre farouchement quand ils sont acculés et de suivre leurs chefs quand ils sont en danger. » (chapitre 11)

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De l’audace

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Une prise de risque aujourd’hui bannie ?

La hardiesse est un prérequis de la victoire :

« Un général avisé […] voit les profits et peut tenter des entreprises ; il ne néglige pas les risques et évite les désagréments. » (chapitre 8)

« Si l’on veut s’emparer de la victoire, il faut la cueillir au milieu du danger. » (chapitre 11)

Cette nécessaire prise de risque est une conséquence du brouillard de la guerre. Un général qui serait trop prudent, attendant de posséder le renseignement suffisant pour se déterminer, serait toujours paralysé. En outre, il subirait systématiquement l’action et ne serait jamais maître du tempo. Sun Tzu, au contraire, prône l’initiative et la maîtrise du déroulement de la bataille.

Dans certains passages, L’art de la guerre semble pourtant se montrer frileux :

« On ne poursuit pas une armée dont la retraite est simulée ; […] on ne gobe pas l’appât que l’adversaire vous tend. » (chapitre 7)

La raison en est que Sun Tzu traite là de l’intuition (éventuellement aidée du renseignement) dont doit faire preuve le général pour sentir quand l’ennemi lui tend un piège. Il ne recommande évidemment pas de toujours redouter une ruse, faute de quoi il serait en permanence paralysé, n’ayant jamais suffisamment de renseignement pour être sûr des intentions, de la position et de la force de son adversaire.

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