Contre toute attente, le succès que rencontre aujourd’hui Sun Tzu ne vient pas tant du monde militaire que du monde civil. Si L’art de la guerre dispose d’une incontestable stature de par sa position de plus ancien traité stratégique du Monde, l’affirmation selon laquelle il serait enseigné dans toutes les académies militaires est inexacte (nous consacrerons bientôt un billet à ce sujet). A part peut-être pour les guérillas latino-américaines, la doctrine de Sun Tzu n’a jamais servi de référence, pas même en Chine où il constitua pourtant pendant neuf cents ans la base des études stratégiques qu’il fallait absolument maîtriser pour passer les examens de fonctionnaire militaire impérial.
Au sein de la communauté militaire, le traité de Sun Tzu ne sert donc à rien d’autre qu’à fournir des citations pour justifier a posteriori une idée de manœuvre. Nous avions vu dans notre billet Quel est aujourd’hui l’intérêt de lire Sun Tzu ? voire dans notre article Doit-on enseigner Sun Tzu aux militaires ? que si L’art de la guerre pouvait bien présenter un intérêt pour le militaire, il ne pouvait en aucun cas servir de manuel de doctrine. Nous avions de toute façon évoqué la quasi-impossibilité d’utiliser un traité de stratégie comme doctrine.
En revanche, force est de constater le succès de ce texte dans le monde civil, notamment à travers ses innombrables versions et surtout la quantité et la diversité de ses transpositions à tous les domaines possibles : là où au départ seuls les mondes de l’économie et de l’entreprise avaient trouvé un intérêt dans le traité chinois, il n’existe guère aujourd’hui de discipline qui ne connaisse pas sa transposition de L’art de la guerre.