1988 : Première traduction directement du chinois au français

La traduction de Valérie Niquet en 1988

La traduction de Valérie Niquet en 1988

En 1988, la première traduction directement du chinois au français depuis le père Amiot (et même la toute première de l’Histoire, puisque le jésuite se basait en réalité sur un texte en mandchou…) vit le jour aux éditions Economica sous la plume de Valérie Niquet. Si cette dernière conserva bien le titre « L’art de la guerre », elle opta cependant pour la transcription pinyin[1] « Sun Zi ».

Probablement saluée par les militaires[2], cette traduction sembla en revanche avoir été vivement critiquée par les sinologues[3]. Il est vrai  que le propos de Sun Tzu en devenait parfois relativement inintelligible. A la décharge de Valérie Niquet,  il convient toutefois de rappeler que ce travail fut la seule traduction directe du chinois disponible pendant plus de dix ans ; les sinologues eurent donc largement le temps de s’épancher sur les imperfections de cette toute première traduction. En 1999, Valérie Niquet corrigea dans une nouvelle édition nombre des erreurs qui lui avaient été reprochées ; elle parfera son travail en 2012 à travers une troisième édition (Cf. la deuxième note de notre billet Combien de versions françaises différentes ?).

Les dix années suivantes furent alors marquées par les reproductions de traductions déjà existantes.

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1972 : La véritable découverte de Sun Tzu

La version de poche de 1978 qui popularisa définitivement Sun Tzu

Si en 1971 l’Impensé radical sortait sa version remaniée des Treize articles, ce n’est que l’année suivante que fut tiré le véritable coup de semonce du grand retour de Sun Tzu en France.

Il faudra en effet attendre 1972, soit exactement 200 ans après le père Amiot, pour voir véritablement renaître Sun Tzu avec la publication en français de la traduction anglaise de 1963 du général américain Samuel B. Griffith. Traduite par Francis Wang, cette version fera longtemps référence à un moment où Sun Tzu était redécouvert en Occident, notamment à travers l’étude de Mao Zedong et des guerres révolutionnaires ; en outre, le célèbre stratégiste Liddell Hart avait présenté ce traité comme l’alternative à l’impasse dans lequel le jusqu’au-boutisme clausewitzien risquait d’entraîner le monde en cette période de guerre froide[1].

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Sun Tzu de 1951 à 1971

La version de l'Impensé radical, 1971

La version de l’Impensé radical, 1971

Nous le verrons dans un prochain billet, la véritable consécration de Sun Tzu en France arrivera en 1972 avec la traduction de Samuel Griffith. Mais un peu avant cela, les choses commencèrent à bouger en France, accélérant le rythme précédemment observé : trois références de 1801 à 1900, trois autres de 1901 à 1950, et finalement encore trois de 1951 à 1971 !

Ce furent tout d’abord deux articles qui marquèrent ces prémices de la révolution que Sun Tzu allait connaître :

Le premier parut dans la Revue de la Défense nationale en 1957 sous la plume de Fernand Schneider. L’article, intitulé A l’école des anciens Chinois : les treize articles de Sun Tsé, était une fiche de lecture du traité de Sun Tzu. Si quelques éléments critiques ponctuaient le propos, le résultat n’était pas toujours heureux[1]. Pour le reste, l’essentiel de l’article était constitué d’une paraphrase / explication de texte du traité. Cette dernière souffrait cependant de se référer à la traduction de Lucien Nachin de 1948, ce qui amenait parfois à quelques contresens (par exemple pour l’explication du « dao » du chapitre 1, dont Fernand Schneider précisait, en se basant sur les notes de Lucien Nachin, qu’il s’agissait de « la philosophie de Confucius, fondée essentiellement sur l’observation, l’expérimentation et la confrontation des idées et des faits », là où Jean Lévi traduit aujourd’hui que « c’est ce qui assure la cohésion entre supérieurs et inférieurs, et incite ces derniers à accompagner leur chef dans la mort comme dans la vie, sans crainte du danger » : le sens est totalement différent).

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Sun Tzu de 1901 à 1950

La version de 1948 de Lucien Nachin

La version de 1948 de Lucien Nachin

Après avoir étudié le XVIIIe et le XIXe siècles, intéressons-nous maintenant au XXe. Et plus précisément à sa première moitié, qui fut marquée par la parution de deux ouvrages : L’art militaire dans l’Antiquité chinoise du lieutenant-colonel Cholet en 1922, et Sun Tse et les anciens Chinois du colonel Nachin en 1948. Hormis ces deux titres, Sun Tzu ne fit parler de lui qu’une seule fois, fugitivement, sous la plume de George Soulié de Morant ; ce dernier évoqua en effet l’existence du stratège chinois et relivra l’anecdote des concubines dans son Essai sur la littérature chinoise paru en 1924 puis dans son Histoire de la Chine en 1929. Mais l’évocation resta anecdotique.

L’ouvrage du lieutenant-colonel E[1]. Cholet, L’art militaire dans l’Antiquité chinoise, n’était pas véritablement une réédition de l’Art militaire des Chinois du père Amiot. Il s’agissait plutôt d’une réorganisation de ce recueil, selon des rubriques traitant chacune d’un grand thème militaire. Le traité de Sun Tzu (ici ré-orthographié « Sun-Tsé », et non « Sun-tse » comme le père Amiot) s’y trouvait donc complètement éparpillé. Le lieutenant-colonel Cholet justifiait ainsi son travail :

« Se contenter de reproduire purement et simplement le texte du P. Amiot, et de présenter les maximes dans l’ordre même adopté par les auteurs et suivi par le traducteur, n’aurait pas répondu au but que l’on s’était proposé. Pour faire revivre cet enseignement et remédier au désordre et à la monotonie que nous avons signalés plus haut, il était indispensable de détacher les maximes choisies de leur contexte et de les regrouper ensuite dans un cadre qui puisse les mettre en relief. »

Cet ouvrage resta toutefois sans suite. Aucune trace n’a été trouvée d’une quelconque évocation de sa parution.

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Sun Tzu au XIXe siècle

Le tout premier ouvrage reparlant de Sun Tzu, en 1884

Nous l’avons vu dans notre billet Comment furent accueillis Les Treize articles ?, la sortie de l’Art militaire des Chinois fut soulignée par le milieu littéraire l’année de sa parution.

Ensuite, pendant un siècle, l’éclipse de Sun Tzu fut totale ! Ce n’est en effet qu’en 1884 qu’apparurent les premiers soubresauts du stratège chinois en France. Et encore ne s’agissait-il alors que d’un rappel de son existence…

Ainsi, jusqu’au XXe siècle, alors que les ouvrages sur la Chine – voire les militaires chinois – furent nombreux à être publiés[1], Sun Tzu en resta totalement absent (hors simple citation de l’existence de l’Art militaire des Chinois). La traduction de l’Histoire des trois royaumes par Théodore Pavie parue en 1845 citait bien à de nombreuses reprises le personnage de Sun-Tse, mais il s’agissait-là d’un homonyme[2]… (De même, Théodore Pavie reprendra ce personnage dans une nouvelle intitulée Yu-ki le magicien, parue en 1853 dans Scènes et récits des pays d’outre-mer).

Seuls deux ouvrages évoquèrent au final Les treize articles :

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