Nous allons ici dresser un rapide panorama de la présence de Sun Tzu dans les ouvrages de référence : L’encyclopédie Universalis, le dictionnaire Larousse et Wikipédia. Ainsi que leurs grands homologues.
L’Universalis ne consacre pas d’article dédié à Sun Tzu. A peine est-il fait mention du stratège dans les articles « Armée » et « Guérilla » ; on le trouve également cité dans les biographies des personnalités françaises s’étant revendiquées de ses enseignements : Pierre Naville, Guy Debord et même l’athlète Teddy Tamgho ! A titre de comparaison, Clausewitz dispose d’un article complet, ainsi que de plusieurs entrées dans le Thésaurus.
L’Encyclopaedia Britannica consacre, elle, un court article : 246 mots (contre 1600 pour celui de Clausewitz).
L’entrée dans le dictionnaire Larousse ne date que de 1998. Le texte n’a pas varié depuis :
Sun Zi ou Sun Tse, VIe – Ve s. av. J.-C., théoricien militaire chinois. Son Art de la guerre, où il privilégie le renseignement et la surprise, constitue le plus ancien traité de stratégie connu.
Il est intéressant de voir que le Larousse véhicule toujours les dates fantaisistes de sa vie. La situation est assez étrange chez les éditions Le Robert : l’entrée Sun Zi figure dans le Dixel depuis 2009, mais est toujours absente du Petit Robert des noms propres. Dans le Dixel, la définition est alors légèrement différente de celle du Larousse ; on n’y détaille plus le contenu de l’ouvrage, mais il est précisé que son existence est hypothétique :
Sun Zi ou Sun Tse Théoricien militaire chinois (VIe – Ve s. av. J.-C.) dont l‘existence reste hypothétique. Il est l’auteur du premier traité de stratégie connu (L’art de la guerre).
Si le Petit Larousse n’a incorporé Sun Tzu dans ses pages qu’en 1998, la présence du stratège chinois est en revanche bien antérieure dans l’Encyclopédie Larousse : nous disposons d’une édition de 1966, où figurait déjà l’article suivant :
Sun Tse, théoricien militaire chinois du VIe s. av. J.-C., auteur du plus ancien traité chinois sur la guerre (Sun Tse Ping Fa).
Nous ne savons pour l’heure cependant pas en quelle année cette entrée est apparue. Nous serions très intéressés si des lecteurs possédant des encyclopédies Larousse antérieures à 1966 pouvaient nous éclairer.
Sur le Wikipédia français (créé en mars 2001), l’article « Sun Tzu » est apparu au bout de trois ans, le 13 avril 2004 (il fut environ la 33 000e entrée créée – il en existe aujourd’hui 1,7 million…) et celui « L’art de la guerre » le 28 août 2004. Pour le Wikipédia américain, créé en janvier 2001, ces deux entrées n’ont pris qu’un an pour voir le jour (respectivement 10 mai et 20 juillet 2002). Sur la version chinoise, les dates respectives sont assez curieuses : 8 août 2005 et 29 mai 2003.
Sur les 291 langues disponibles sur Wikipédia, l’article « Sun Tzu » figure en 88 langues (76 pour L’art de la guerre). Cela pourrait paraitre peu, mais Clausewitz n’est, lui, disponible qu’en 52 langues !
Au 1er janvier, l’article sur Sun Tzu faisait 1012 mots (tandis que celui de Clausewitz en faisait 1832). Quant à l’article sur L’art de la guerre, il faisait 1828 mots (386 pour De la guerre).
Au final, il est intéressant de voir comment la culture populaire, représentée par Wikipédia, s’est emparée de Sun Tzu. Alors que les références « sérieuses » et « officielles » ne jurent que par les grands classiques comme Clausewitz, les apparitions tardives (même si elles ont l’ancienneté de Sun Tzu) sont mal prises en compte par les gardiens des références car ne bénéficient pas d’une ancienneté académique : avant 1963, année de sortie de la traduction de Griffith, Sun Tzu n’existait pas dans le monde occidental !
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