Résumer L’Art de la guerre est-il possible ?

Quels sont les commandements de Sun Tzu du point de vue d’un Occidental ?

Comme nous l’avons exposé tout au long de ce blog, notre synthèse de L’Art de la guerre est que Sun Tzu expose une théorie de la conduite de la guerre considérée comme une dialectique entre deux généraux[1]. Au-delà des grands principes formalisés (la guerre est une calamité, tous les moyens sont bons pour remporter la victoire, la conduite de la guerre doit rester une affaire de militaires, …) le système suntzéen nous parait pouvoir être résumé autour d’une grande idée : modeler l’adversaire pour saisir les opportunités. De ce précepte supérieur découlent trois principes de la guerre :

Toutes les autres grandes thématiques évoquées (acquérir la supériorité informationnelle, planifier, recourir à la ruse, être attentif à sa logistique, agir sur l’environnement diplomatique, …) ne nous paraissent être que des procédés.

La synthèse des principes et procédés que nous présentons ici n’est toutefois que l’expression d’un point de vue.

D’autres commentaires de Sun Tzu peuvent en effet dresser des listes différentes. Par exemple, l’Américain Mark MacNeilly[2] voit dans L’Art de la guerre les six idées-forces suivantes :

  • Gagner sans combattre : atteindre l’objectif sans le détruire
  • Éviter la force, attaquer la faiblesse : frapper là où l’ennemi est le plus vulnérable
  • Duper et se renseigner : gagner la guerre de l’information
  • Agir avec vitesse et préparation : manœuvrer rapidement pour vaincre les résistances
  • Façonner l’ennemi : préparer le champ de bataille
  • Personnalité du chef : commander par l’exemple

L’analyse de Christopher McDonald[3] met quant à elle en évidence trois oppositions que le général doit maitriser (les forces régulières et extraordinaires, le vide et le plein et le direct et l’indirect) ainsi que trois principes de la guerre :

  • « La victoire » (Le souverain et le général doivent avoir une vision claire et commune de l’objectif à atteindre)
  • La connaissance (l’information préalable)
  • La supériorité stratégique (le shi)

Du côté des auteurs francophones, Christophe Van Staen[4] juge que les principes énoncés dans L’Art de la guerre sont :

  • La figure du général
  • L’information préalable
  • L’environnement
  • La psychologie des troupes
  • L’approche « symptômale » du général

Valérie Niquet[5] écrit quant à elle :

Le but de la guerre c’est la victoire, la guerre en soi ne présentant pas d’intérêt dans la mesure où les combats font, au contraire, peser un coût rapidement insupportable sur le pays. Pour créer les conditions d’une victoire rapide, le bon stratège doit donc également avoir comme principe de toujours garder l’initiative en obligeant l’ennemi à se conformer à ses plans. Il faut tromper l’ennemi pour le pousser à agir, ou à ne pas agir, et ne pas être trompé par lui. Il faut jouer de l’effet de surprise en attaquant là où l’ennemi s’y attend le moins afin de rencontrer le moins de résistance possible et d’éviter toute prolongation des combats.

Plus extrême encore, Jean Lévi[6] expose le point de vue suivant :

La guerre, la façon de conduire et de mener les opérations militaires, n’est nullement le but fondamental [du traité de Sun Tzu]. Il en est le prétexte. […] Si les militaires occidentaux limitent leur objet à cette chose qu’est, pour les théoriciens chinois, le théâtre des opérations, un livre comme le Sun Tzu s’intéresse essentiellement à tout ce qui pour leurs collègues de l’autre extrémité du continent ne concerne pas la guerre.

Ainsi, donc, toute réfléchie que soit notre étude du traité de Sun Tzu, elle ne demeure qu’une compréhension possible – parmi d’autres – de ce texte d’apparence simple et clair, mais en réalité d’une grande complexité qu’est L’Art de la guerre.


[1] Nous reprenons en cela la définition que le général Beaufre donnait à la stratégie : « l’art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit » (André Beaufre, Introduction à la stratégie, 1963). Pour Sun Tzu, tout repose en effet sur le chef des armées ; les autres acteurs (soldats, officiers, population, etc.) ne sont dans son système que de simples pions, au mieux exécutants. Le souverain lui-même, une fois son chef des armées désigné, n’a plus (ou tout au moins ne devrait plus avoir) qu’un rôle de témoin.

[2] Mark McNeilly, Sun Tzu and the art of modern warfare, Oxford University Press, 2e édition, 2002.

[3] Christopher McDonald, The science of war, Earnshow books, 2018.

[4] Christophe Van Staen et Niels Thorez, L’Art de la guerre de Sun Tzu, Profil littéraire, 2017.

[5] Valérie Niquet, Les fondements de la stratégie chinoise, Economica, 1997.

[6] Sun Tzu, L’art de la guerre, traduit par Jean Lévi, Hachette, 2000.

Source de l’image : Film Les 10 commandements

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