Les citations issues de L’art de la guerre rencontrent un véritable succès. En témoigne la croissance ininterrompue du fil Twitter Sun Tzu Dit, qui vient de franchir la barre des 500 abonnés après seulement un an d’existence. Son homologue américain, Sun Tzu Daily, ouvert deux ans plus tôt, revendique déjà quant à lui plus de 7000 abonnés. Pourquoi un tel attrait ?
Force est d’abord de constater que si les offres de citations quotidiennes abondent, nous n’en avons trouvé aucune qui soit spécifiquement dédiée à un auteur unique (excepté pour les hommes politiques vivants…). Non seulement parmi les stratèges, mais également parmi les philosophes : personne d’autre que Sun Tzu ne semble trouver un écho quotidien à ses aphorismes sur la toile. Chose plus troublante encore : les écrits de Sun Tzu font en tout et pour tout 40 pages. Il nous a pourtant été possible d’en retirer près de 350 citations « tweetables » !
Comment expliquer cette situation ?
L’exploit tient à la forme du traité : à la différence d’un penseur comme Clausewitz, Sun Tzu présente en effet directement l’aboutissement de son système. Alors que Clausewitz s’attache à démontrer chacune des idées exprimées par un raisonnement logique, Sun Tzu ne cherche quasiment jamais à en expliquer le bien-fondé. L’art de la guerre tient en ce sens plus du manuel d’emploi pour le souverain et le général, tandis que De la guerre est davantage une réflexion sur la guerre.
Le style, ensuite, caractéristique de la langue chinoise ancienne utilisée : lapidaire, il se prête parfaitement à la contrainte des 140 caractères imposée par Twitter (pour peu que le traducteur ait fait le choix de conserver le style ramassé et direct du texte original). Pour autant, même sur d’autres supports que Twitter n’ayant pas cette limitation de taille, il ne se trouve pas de citations quotidiennes de Clausewitz, Napoléon ou autre de Gaulle, qui ont pourtant tous largement plus écrits que Sun Tzu.
Nous avons déjà à plusieurs reprises disserté sur la facilité de transposition des préceptes de Sun Tzu aux domaines autres que le conflit armé. Un public bien plus large que la seule communauté militaire est donc concerné par les maximes tirées de L’art de la guerre.
Ajoutez à cela un style bien souvent poétique (« Une armée doit être preste comme le vent, majestueuse comme la forêt, dévorante comme la flamme, inébranlable comme la montagne », chapitre 7), et le charme ne peut qu’opérer.
Voici donc pourquoi, selon nous, les maximes de Sun Tzu font aujourd’hui florès. Corolaire inévitable de ce succès : l’apparition de citations apocryphes. Nous nous étions interrogés sur ce phénomène dans un billet paru sur le blog L’écho du champ de bataille, et avions nous-même pastiché cette tendance. La rançon du succès…
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