Combattre l’ennemi dans ses plans

Un chapitre entier (théoriquement) consacré à cette thématique

Un chapitre entier (théoriquement) consacré à cette thématique

« Le mieux, à la guerre, consiste à attaquer les plans de l’ennemi ; ensuite ses alliances ; ensuite ses troupes ; en dernier ses villes. » (chapitre 3)

Nous avons vu toute l’importance que Sun Tzu accordait à la planification. Corollaire : le meilleur moyen de vaincre l’ennemi est justement de s’attaquer à sa planification.

Ce principe donne d’ailleurs son titre au chapitre 3 : « Combattre l’ennemi dans ses plans ». En réalité, seul le premier tiers du chapitre regroupe des préceptes relatifs à cette thématique. A l’instar de l’organisation explosée du traitée, les deux autres tiers sont sans rapport.

Ce précepte, qui est l’un des piliers de la pensée de Sun Tzu, est non seulement loin d’avoir perdu sa pertinence, mais pourrait en plus apparaître d’une modernité inexplorée. En effet, là où des concepts comme la recherche du renseignement peuvent aujourd’hui sembler triviaux car relevant de l’évidence, l’attaque de l’ennemi dans ses plans n’est pas forcément intuitive. Ce procédé exige même une très grande maîtrise de la part de celui qui voudrait le mettre en œuvre. Sun Tzu renvoie d’ailleurs aux temps légendaires l’époque où les généraux savaient le manier :

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De l’initiative

Une représentation de l'initiative dans L'art de la culture du parc de Guangrao (Chine, province de Shandong)

Une sculpture représentant l’initiative dans L’art de la guerre au parc de Guangrao (Chine, province de Shandong)

L’initiative est un des principes de la guerre[1]. Sun Tzu l’avait parfaitement compris, sans toutefois le formaliser clairement. Le mot « initiative » n’est en effet employé que deux fois dans le traité, et encore de façon presque périphérique :

« On a suppléé à la voix par le tambour et les cloches ; à l’œil par les étendards et les guidons. Signaux sonores et visuels étant perçus par tous, ils permettent de souder les mouvements des troupes en un seul corps, si bien que les braves ne se ruent pas seuls à l’assaut sans en avoir reçu l’ordre et les pleutres ne battent pas en retraite de leur propre initiative. » (chapitre 7)

« On appelle neutralisant un lieu où aucune des deux parties n’a intérêt à prendre l’initiative. » (chapitre 10)

Si le mot n’est pas explicitement employé, l’idée est cependant bien présente :

« [Il faut] profiter de la moindre opportunité pour emporter l’avantage. »[2] (chapitre 1)

« Attaquez là où [l’ennemi] ne vous attend pas ; surgissez toujours à l’improviste. » (chapitre 1)

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Sun Tzu a-t-il inventé les cas non conformes ?

Le plan de manœuvre dans la doctrine française

Le plan de manœuvre dans la doctrine française

Nous avons vu que L’art de la guerre enjoignait une planification la plus minutieuse possible. Sun Tzu va-t-il plus loin dans son idée ?

Revenons sur une maxime :

« La victoire est certaine quand les supputations élaborées dans le temple ancestral avant l’ouverture des hostilités donnent un avantage dans la plupart des domaines ; dans le cas contraire, si on ne l’emporte que dans quelques-uns, on va au-devant d’une défaite. » (chapitre 1)

Cette phrase est sujette à interprétation : on pourrait en effet envisager que Sun Tzu fait preuve d’une formidable modernité en prescrivant d’imaginer toutes les situations susceptibles de se produire. Cette interprétation se trouve confortée par la traduction que donne Alexis Lavis du même passage :

« Celui qui, en amont des batailles, a su développer le plus grand nombre de stratégies victorieuses sera assurément le vainqueur. Il saura parer et même anticiper tout revirement de situation. Celui qui est incapable d’élaborer un grand nombre de plans différents pour vaincre risque fort d’essuyer une défaite. Que dire de celui qui n’a rien préparé ! C’est dans la chambre du stratège qu’une guerre est gagnée ou perdue. Sur le champ de bataille, il est déjà trop tard. En observant cela, je sais toujours à l’avance le résultat du combat. »

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Le calcul épargne le sang : du pouvoir de la planification

Pas de victoire sans planification

Pas de victoire sans planification

La planification est un pilier du système suntzéen. Elle peut permettre, à elle seule, d’éviter l’affrontement armé.

Cette planification est un garant, voire une condition sine qua non, de la victoire :

« Une armée est victorieuse si elle cherche à vaincre avant de combattre ; elle est vaincue si elle cherche à combattre avant de vaincre. » (chapitre 4)

Par sa croyance immodérée dans les vertus de la planification, le système suntzéen réfute l’idée clausewitzienne de friction. Peut-être le stratège chinois n’avait-il pas une claire conscience de cette notion, mais peut-être aussi était-il convaincu du pouvoir de la planification, à l’instar des espoirs que les Américains ont pu porter durant les années 90 dans leur concept de Révolution dans les Affaires Militaires.

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Une qualité : la réactivité

Tel le serpent, l’armée doit toujours être prête à bondir sur son objectif

Tel le serpent, l’armée doit toujours être prête à bondir sur son objectif

La réactivité est une qualité essentielle prônée dans L’art de la guerre :

« Il faut […] profiter de la moindre opportunité pour emporter l’avantage. » (chapitre 1)

« A la guerre, il ne faut pas compter que l’ennemi ne viendra pas, mais être en mesure de le contrer. » (chapitre 8)

Sun Tzu a parfaitement conscience que l’exécution de tout plan est soumis à nombre d’aléas, qu’ils soient climatiques ou géographiques, ou qu’ils soient dus à une mauvaise intuition de ce qu’allait entreprendre l’adversaire. Sun Tzu chercher à minimiser le brouillard de la guerre par le renseignement, mais admet à demi-mot que les frictions demeurent possibles. Pour tenter d’obtenir la maîtrise sur ces facteurs, le général doit en comprendre la logique et s’y adapter. Ainsi, Sun Tzu décortique cette réactivité en quatre qualités primaires : coup d’œil tactique, intelligence, rapidité et manœuvrabilité.

La première de ces qualités est donc le coup d’œil tactique, c’est-à-dire la parfaite conscience du bon moment :

« Le grand chef de guerre […] ne laisse jamais passer l’occasion de la victoire. » (chapitre 4)

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