De la fluidité de la manœuvre

« La forme d'une armée doit être identique à l'eau. » (chapitre 6)

« La forme d’une armée doit être identique à l’eau. » (chapitre 6)

« Si des troupes peuvent parcourir mille lieues tout en restant fraîches et disposes, c’est qu’elles ne rencontrent pas d’ennemi sur leur chemin. » (chapitre 6)

Cette maxime semble relever de la tautologie.

Elle recèle cependant une véritable profondeur. Pour s’en rendre compte, mettons-la en rapport avec les propos qui la suivent :

« Si des troupes peuvent parcourir mille lieues tout en restant fraîches et disposes, c’est qu’elles ne rencontrent pas d’ennemi sur leur chemin. Qui emporte toutes les places qu’il attaque investit des villes qui ne sont pas défendues. Qui tient toutes les places qu’il défend défend des places qui ne sont pas attaquées. Car nul n’est capable de repousser une offensive bien conduite, ni de briser une défense supérieurement menée. »

Succession d’évidences ? Pas du tout ! Ce que nous dit ici Sun Tzu, c’est qu’il ne faut pas rechercher les points durs, mais au contraire passer par les faiblesses du dispositif.

Continuer la lecture

Le combat tournoyant, une invention de Sun Tzu ?

Il y a 2500 ans, Sun Tzu prônait-il le swarming ?...

Il y a 2500 ans, Sun Tzu prônait-il le swarming ?…

Si certains préceptes de Sun Tzu relèvent aujourd’hui du lieu commun (« Examinez les plans de l’ennemi pour en connaître les mérites et démérites », chapitre 6), d’autres en revanche sont plus inattendus. Il en est ainsi de celui concernant la recherche de la confusion :

« Quel indescriptible tohu-bohu ! Comme le combat est confus ! et cependant rien ne peut semer le désordre dans leurs rangs. Quel chaos ! quel méli-mélo ! ils sont repliés sur eux-mêmes comme une boule, et pourtant nul ne peut venir à bout de leur disposition. Le désordre suppose l’ordre […] » (chapitre 5)

Cette confusion dans la bataille dont parle Sun Tzu n’est absolument pas due au brouillard de la guerre décrit par Clausewitz. Il s’agit ici au contraire d’une confusion maîtrisée, dont la notion récemment formalisée de « combat tournoyant » (ou « en essaim » ou « swarming »)[1] pourrait être une expression. A l’inverse d’un combat en dentelles, géométrique, ordonné tel un jardin à la Le Nôtre, Sun Tzu paraît en effet prôner la recherche d’un engagement basé sur la grande autonomie des toutes petites unités, voire de l’individu.

Cette interprétation semble cependant anachronique : si certaines armées ont su par le passé mettre en œuvre la notion de combat tournoyant[2], il paraît en revanche surprenant que Sun Tzu puisse recommander un tel procédé à son époque. Cette idée semble en outre entrer en contradiction avec l’image relativement frustre qu’il peut par ailleurs donner des hommes :

« Il occupe [la multitude de ses armées] avec des tâches et ne s’embarrasse pas de lui en expliquant le pourquoi ; il l’excite par la perspective de profits en se gardant bien de la prévenir des risques. » (chapitre 11)

Continuer la lecture

Les 275 commandements de Sun Tzu

Sur 40 pages, Sun Tzu a délivré un nombre impressionnant de commandements.

Sur 40 pages, Sun Tzu a délivré un nombre impressionnant de commandements.

Nous allons ici proposer notre découpage de L’art de la guerre en commandements directs de Sun Tzu (i.e. exposés sous la forme impérative). Nous en avons recensé 275, sachant que ce comptage est éminemment subjectif et personnel. Ainsi avons-nous choisi de nous en tenir aux stricts commandements directifs de Sun Tzu et ne pas d’extrapoler à ses propos non-injonctifs (qui pourraient n’être lus que comme de simples recommandations). A titre d’exemple, après la phrase d’introduction sur la guerre, grande affaire des nations, le chapitre 1 commence par ces propos :

La guerre est subordonnée à cinq facteurs ; ils doivent être pris en compte dans les calculs afin de déterminer avec exactitude la balance des forces.
Le premier est la vertu, le second le climat, le troisième la topographie, le quatrième le commandement, le cinquième l’organisation.
La vertu est ce qui assure la cohésion entre supérieurs et inférieurs, et incite ces derniers à accompagner leur chef dans la mort comme dans la vie, sans crainte du danger.
Le climat est déterminé par l’alternance de l’ombre et de la lumière, du chaud et du froid ainsi que par le cycle des saisons.
La topographie comprend : les distances et la nature du terrain, lequel peut-être accidenté ou plat, large ou resserré, propice ou néfaste.
Le commandement dépend de la perspicacité, de l’impartialité, de l’humanité, de la résolution et de la sévérité du général.
Continuer la lecture

Sun Tzu prône-t-il la prise de risque ?

« Qui ose gagne » : La devise du 1er RPIMa

« Qui ose gagne » : La devise du 1er RPIMa

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Sun Tzu se montre très frileux quant à la prise de risque au cours des batailles. Certains de ses commandements pourraient même être perçus comme des injonctions à l’immobilisme :

« On ne poursuit pas une armée dont la retraite est simulée ; […] on ne gobe pas l’appât que l’adversaire vous tend. » (chapitre 7)

Un général qui voudrait appliquer scrupuleusement cette maxime de Sun Tzu pourrait rapidement se retrouver totalement paralysé, redoutant toujours une ruse de l’adversaire. Jamais en effet il ne possèdera tout le renseignement lui permettant à coup sûr d’évaluer la position, la force et les intentions de l’adversaire. Ou alors quand il les aura, il sera trop tard…

Nous observons de même que le courage et l’audace ne semblent pas faire partie des qualités nécessaires au général :

« Le commandement dépend de la perspicacité, de l’impartialité, de l’humanité, de la résolution et de la sévérité du général. » (chapitre 1)

A un seul endroit de son traité, Sun Tzu évoque la prise de risque :

« Un général avisé prend toujours en compte, dans ses supputations, tant les avantages que les inconvénients d’une option. Il voit les profits et peut tenter des entreprises ; il ne néglige pas les risques et évite les désagréments. » (chapitre 8)

Continuer la lecture

Art de la guerre ou science de la guerre ?

Quelle est la nature de la guerre ?

Quelle est la nature de la guerre ?

L’art de la guerre porte-t-il bien son nom ? La question est loin d’être simple. En effet, dès le premier chapitre, Sun tzu affirme à la fois :

« Le général qui se fie à mes calculs sera nécessairement victorieux : il faut se l’attacher ; le général qui se refuse à les entendre sera régulièrement défait : il faut s’en séparer ! » (chapitre 1)

… sous-entendant que la guerre est une science qu’il faut apprendre ; et quelques lignes plus loin :

« Tels sont les stratagèmes qui apportent la victoire et qui ne se peuvent apprendre. » (chapitre 1)

… exprimant qu’il est impossible de donner un modèle établi des secrets de la guerre !

Pour Sun Tzu, il est donc à la fois possible et impossible de livrer les secrets de la guerre !

Alors, science ou art ?

Continuer la lecture