Sun Tzu et Clausewitz : Les différences de fond

Quelles différences entre Sun Tzu et Clausewitz ?

Quelles différences entre Sun Tzu et Clausewitz ?

Nous allons dans ce billet nous intéresser à l’impression générale que dégage la lecture de chacun des traités de stratégie.

L’art de la guerre est un ouvrage à utilité opérationnelle immédiate. Il se présente un peu comme un livre de recettes, où à telle situation doit correspondre telle manœuvre. Bien sûr, il est également parfois nécessaire de creuser un peu le propos pour en dégager la véritable idée – l’existence de ce blog en témoigne. De la guerre est un ouvrage différent : l’ambition de Clausewitz était de développer une théorie scientifique de la guerre. De cette théorie découlaient certains principes pratiques, mais ce n’était pas le centre de l’ouvrage. Ainsi, alors que Clausewitz tente une introspection au terme de laquelle il met à jour concepts et théories, Sun Tzu s’attache davantage à définir une pensée stratégique à proprement parler, voire une méthode. Il pense l’action, Clausewitz la comprend. Les démarches diffèrent donc radicalement. Hervé Coutau-Bégarie est sur ce point catégorique :

« Clausewitz a produit une théorie de la guerre articulée dans ses moindres détails, donc infiniment plus profonde que les simples pistes de réflexion proposées par Sun Tzu. »[1]

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Sun Tzu et Clausewitz : Les différences de forme

Livres Sun Tzu vs Clausewitz

Quelle différence de forme entre L‘art de la guerre et De la guerre ?

Nous allons nous livrer dans les prochains billets au périlleux exercice de comparaison des systèmes de Sun Tzu et de Clausewitz. Périlleux, car l’étude sera forcément imparfaite et ne pourra être que nuancée, complétée, amendée.  Mais nous espérons justement que la critique s’exprimera sur ce « premier jet » et que le produit s’en améliorera.

Ce premier billet s’intéressera uniquement à la forme des traités. Il trouvera une suite dans l’étude des différences de fond entre les deux stratèges.

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Des préceptes pouvant être totalement opposés d’une traduction à l’autre

Une étonnante comparaison des traductions

Celui qui se livrera à l’exercice de comparaison de deux traductions françaises de L’art de la guerre (et il aura le choix, cf. notre billet Combien de versions différentes ?) aura la surprise de voir combien les textes proposés peuvent s’avérer dissemblables. A tel point que certains propos de Sun Tzu se retrouvent parfois totalement inversés d’une traduction à l’autre. Nous illustrerons ce phénomène à travers l’exemple de deux traductions que nous jugeons de grande qualité : celle Jean Lévi aux éditions Hachette et celle du groupe Denma au Courrier du livre.

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Le choix du traducteur entre littérarité et littéralité

Comment bien traduire le texte ?

Les propos de Sun Tzu sont obscurs. Nous y reviendrons prochainement. Il ne s’agit pourtant pas tant là d’une imperfection du traité qu’au contraire une relative normalité des écrits de cette période. Le traducteur doit donc faire face au choix suivant : soit tenter de rester fidèle au texte et décider de le retranscrire le plus rigoureusement possible, y compris dans ses ambiguïtés et son décalage avec la langue moderne, soit chercher à faire comprendre ce qu’il estime être l’idée de Sun Tzu et donc accepter les interprétations, les approximations, voire les anachronismes. Cette dernière démarche pouvant d’ailleurs être effectuée à des degrés divers.

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Pourquoi le texte original de L’art de la guerre était-il cryptique ?

Une interprétation possible du texte de Sun Tzu

La traduction d’un texte chinois vieux de plus de 2000 ans est particulièrement complexe. Le meilleur moyen de s’en rendre compte est de lire la toute première version de Valérie Niquet datant de 1988, qui était à bien des endroits relativement inintelligible, témoignant des difficultés de sa traductrice à faire émerger du sens d’une telle succession de caractères polysémiques. Nous allons le voir, les caractéristiques de la langue utilisée expliquent en effet grandement les difficultés rencontrées par les traducteurs.

L’étude de la version du Yinqueshan nous fournit une assez bonne idée de ce que pouvait être le traité à ses débuts. Nous avons en effet là un texte écrit dans une forme très ancienne de chinois, dite « chinois classique ». Concise à l’extrême, la structure de cette langue ne permettait guère d’exprimer clairement une idée, laissant au contraire bien souvent au lecteur le soin de la deviner. Si cette plasticité convenait très bien à la poésie, elle ne permettait a contrario pas de transmettre explicitement des notions précises ou subtiles.

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