Art de la guerre ou science de la guerre ?

Quelle est la nature de la guerre ?

Quelle est la nature de la guerre ?

L’art de la guerre porte-t-il bien son nom ? La question est loin d’être simple. En effet, dès le premier chapitre, Sun tzu affirme à la fois :

« Le général qui se fie à mes calculs sera nécessairement victorieux : il faut se l’attacher ; le général qui se refuse à les entendre sera régulièrement défait : il faut s’en séparer ! » (chapitre 1)

… sous-entendant que la guerre est une science qu’il faut apprendre ; et quelques lignes plus loin :

« Tels sont les stratagèmes qui apportent la victoire et qui ne se peuvent apprendre. » (chapitre 1)

… exprimant qu’il est impossible de donner un modèle établi des secrets de la guerre !

Pour Sun Tzu, il est donc à la fois possible et impossible de livrer les secrets de la guerre !

Alors, science ou art ?

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L’art de la guerre par Victoria Charles… et Sun Tzu ?

L'art de la guerre, par Sun Tzu (???) et Victoria Charles

L’art de la guerre, par Sun Tzu (???) et Victoria Charles

Voici un ouvrage paru en juillet 2013 (et non pas septembre 2011 comme affiché sur Amazon…) aux éditions Parkstone International. Observez-le.

Lisez ensuite le quatrième de couverture :

Composé de textes d’écrivains célèbres rassemblés par Victoria Charles, cet ouvrage s’accompagne, en outre, du texte de référence de Sun Tzu, stratège militaire légendaire de Chine.

Que pensez-vous trouver ?

Le texte de L’art de la guerre ?

Pas du tout ! Le traité de Sun Tzu n’y figure pas…

Comme l’explique l’auteure en introduction :

Le titre de ce livre d’art n’est […] pas un hasard. Il a été intentionnellement choisi pour évoquer le général chinois et ses écrits. Bien que le but principal soit de présenter l’art qui a été inspiré par la guerre, il est également censé incarné – sans être exhaustif – une chronologie des batailles importantes et décisives dans l’histoire du monde.

Dès lors, qu’a-t-on ? Un livre d’art relatif aux grandes batailles de l’Histoire. Mais en aucun cas une nouvelle version du traité de Sun Tzu. Aucun rapport avec la superbe version illustrée parue en 2010 aux éditions Nouveau Monde.

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Combattre l’ennemi dans ses plans

Un chapitre entier (théoriquement) consacré à cette thématique

Un chapitre entier (théoriquement) consacré à cette thématique

« Le mieux, à la guerre, consiste à attaquer les plans de l’ennemi ; ensuite ses alliances ; ensuite ses troupes ; en dernier ses villes. » (chapitre 3)

Nous avons vu toute l’importance que Sun Tzu accordait à la planification. Corollaire : le meilleur moyen de vaincre l’ennemi est justement de s’attaquer à sa planification.

Ce principe donne d’ailleurs son titre au chapitre 3 : « Combattre l’ennemi dans ses plans ». En réalité, seul le premier tiers du chapitre regroupe des préceptes relatifs à cette thématique. A l’instar de l’organisation explosée du traitée, les deux autres tiers sont sans rapport.

Ce précepte, qui est l’un des piliers de la pensée de Sun Tzu, est non seulement loin d’avoir perdu sa pertinence, mais pourrait en plus apparaître d’une modernité inexplorée. En effet, là où des concepts comme la recherche du renseignement peuvent aujourd’hui sembler triviaux car relevant de l’évidence, l’attaque de l’ennemi dans ses plans n’est pas forcément intuitive. Ce procédé exige même une très grande maîtrise de la part de celui qui voudrait le mettre en œuvre. Sun Tzu renvoie d’ailleurs aux temps légendaires l’époque où les généraux savaient le manier :

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De l’initiative

Une représentation de l'initiative dans L'art de la culture du parc de Guangrao (Chine, province de Shandong)

Une sculpture représentant l’initiative dans L’art de la guerre au parc de Guangrao (Chine, province de Shandong)

L’initiative est un des principes de la guerre[1]. Sun Tzu l’avait parfaitement compris, sans toutefois le formaliser clairement. Le mot « initiative » n’est en effet employé que deux fois dans le traité, et encore de façon presque périphérique :

« On a suppléé à la voix par le tambour et les cloches ; à l’œil par les étendards et les guidons. Signaux sonores et visuels étant perçus par tous, ils permettent de souder les mouvements des troupes en un seul corps, si bien que les braves ne se ruent pas seuls à l’assaut sans en avoir reçu l’ordre et les pleutres ne battent pas en retraite de leur propre initiative. » (chapitre 7)

« On appelle neutralisant un lieu où aucune des deux parties n’a intérêt à prendre l’initiative. » (chapitre 10)

Si le mot n’est pas explicitement employé, l’idée est cependant bien présente :

« [Il faut] profiter de la moindre opportunité pour emporter l’avantage. »[2] (chapitre 1)

« Attaquez là où [l’ennemi] ne vous attend pas ; surgissez toujours à l’improviste. » (chapitre 1)

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Sun Tzu a-t-il inventé les cas non conformes ?

Le plan de manœuvre dans la doctrine française

Le plan de manœuvre dans la doctrine française

Nous avons vu que L’art de la guerre enjoignait une planification la plus minutieuse possible. Sun Tzu va-t-il plus loin dans son idée ?

Revenons sur une maxime :

« La victoire est certaine quand les supputations élaborées dans le temple ancestral avant l’ouverture des hostilités donnent un avantage dans la plupart des domaines ; dans le cas contraire, si on ne l’emporte que dans quelques-uns, on va au-devant d’une défaite. » (chapitre 1)

Cette phrase est sujette à interprétation : on pourrait en effet envisager que Sun Tzu fait preuve d’une formidable modernité en prescrivant d’imaginer toutes les situations susceptibles de se produire. Cette interprétation se trouve confortée par la traduction que donne Alexis Lavis du même passage :

« Celui qui, en amont des batailles, a su développer le plus grand nombre de stratégies victorieuses sera assurément le vainqueur. Il saura parer et même anticiper tout revirement de situation. Celui qui est incapable d’élaborer un grand nombre de plans différents pour vaincre risque fort d’essuyer une défaite. Que dire de celui qui n’a rien préparé ! C’est dans la chambre du stratège qu’une guerre est gagnée ou perdue. Sur le champ de bataille, il est déjà trop tard. En observant cela, je sais toujours à l’avance le résultat du combat. »

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