Prévision : Les éditions de L’art de la guerre vont fleurir

Une version sans le moindre intérêt !...

Une version sans le moindre intérêt !…

Une nouvelle édition papier de L’art de la guerre vient d’apparaître sur Amazon. Nouvelle version ? Oui et non. Il s’agit en réalité d’une composition CreateSpace, l’un des outils d’autopublication sur Amazon.

Il y a fort à parier que ce type d’éditions fleurira, tant le principe en est simple : l’ « auteur » n’a qu’à copier le texte libre de droits du père Amiot (ici dans la version de l’Impensé radical, théoriquement non libre de droits…). Puis le placer en autoédition sur Amazon. L’impression se faisant automatiquement à la commande. Au pire, c’est un flop et l’ « auteur » ne gagne rien. Avec un peu de chance, quelques personnes achèteront l’ouvrage ; cela paiera une pizza. Avec beaucoup de chance, éventuellement aidée par une habile communication sur le web, beaucoup de personnes l’achètent et c’est le jackpot… Et c’est sans parler de la possibilité de publier des éditions numériques sur Kindle et autre iPad.

Bien entendu, l’ouvrage évoqué ici, vendu 6,12 €, ne présente aucun intérêt par rapport aux autres vrais titres disponibles : la traduction est caduque et le texte est livré nu, sans le moindre commentaire. L’ « auteur » n’a même pas fait l’effort de mettre une couverture un peu attractive…

Mais l’autoédition via Createspace ne coûte rien. Je ne vois vraiment pas pourquoi d’autres personnes se priveraient de tenter leur chance en écumant le domaine public…

Source de l’image : photo de l’auteur

Le combat tournoyant, une invention de Sun Tzu ?

Il y a 2500 ans, Sun Tzu prônait-il le swarming ?...

Il y a 2500 ans, Sun Tzu prônait-il le swarming ?…

Si certains préceptes de Sun Tzu relèvent aujourd’hui du lieu commun (« Examinez les plans de l’ennemi pour en connaître les mérites et démérites », chapitre 6), d’autres en revanche sont plus inattendus. Il en est ainsi de celui concernant la recherche de la confusion :

« Quel indescriptible tohu-bohu ! Comme le combat est confus ! et cependant rien ne peut semer le désordre dans leurs rangs. Quel chaos ! quel méli-mélo ! ils sont repliés sur eux-mêmes comme une boule, et pourtant nul ne peut venir à bout de leur disposition. Le désordre suppose l’ordre […] » (chapitre 5)

Cette confusion dans la bataille dont parle Sun Tzu n’est absolument pas due au brouillard de la guerre décrit par Clausewitz. Il s’agit ici au contraire d’une confusion maîtrisée, dont la notion récemment formalisée de « combat tournoyant » (ou « en essaim » ou « swarming »)[1] pourrait être une expression. A l’inverse d’un combat en dentelles, géométrique, ordonné tel un jardin à la Le Nôtre, Sun Tzu paraît en effet prôner la recherche d’un engagement basé sur la grande autonomie des toutes petites unités, voire de l’individu.

Cette interprétation semble cependant anachronique : si certaines armées ont su par le passé mettre en œuvre la notion de combat tournoyant[2], il paraît en revanche surprenant que Sun Tzu puisse recommander un tel procédé à son époque. Cette idée semble en outre entrer en contradiction avec l’image relativement frustre qu’il peut par ailleurs donner des hommes :

« Il occupe [la multitude de ses armées] avec des tâches et ne s’embarrasse pas de lui en expliquant le pourquoi ; il l’excite par la perspective de profits en se gardant bien de la prévenir des risques. » (chapitre 11)

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Sun Tzu : de l’Art de la guerre à l’art de diriger

La dernière transposition de L'art de la guerre au monde de l'entreprise

La dernière transposition de L’art de la guerre au monde de l’entreprise

Paru en août 2013 aux éditions Maxima, Sun Tzu : de l’Art de la guerre à l’art de diriger a l’ambition de « présenter de façon simple l’état d’esprit qui permet « d’édifier la configuration victorieuse », c’est-à-dire de prendre les « bonnes » décisions pour guider l’entreprise et ses troupes vers la victoire ». Bonne surprise : le pari est plutôt réussi.

L’auteure de ces 140 pages, Domitille Germain, est française. Consultante auprès de grandes entreprises (diplômée d’HEC), bonne connaisseuse de la Chine (titulaire d’un master en études chinoises), la lecture qu’elle nous propose du traité de Sun Tzu nous a paru être abordée sous un très bon angle :

Plus que des recommandations de l’action, l’Art de la guerre offre des clés de lecture sur le « processus » qui « a permis d’édifier la configuration victorieuse » : il décrit un état d’esprit plus que des tactiques. […] L’assimilation et la mise en pratique de cet état d’esprit permettent de développer des techniques, plans et tactiques appropriées à chaque situation. […] Après une bataille, il est facile de comprendre quelle a été la manœuvre ou la tactique gagnante, mais il est difficile de comprendre tout ce qui a précédé et qui a permis de façonner la situation pour la rendre gagnante. De même, s’il est facile de dire a posteriori ce qui a permis à une entreprise de se développer rapidement, il est plus ambitieux – et plus utile – de chercher à comprendre le processus qui lui a permis de prendre les « bonnes » décisions. Ma lecture de l’Art de la guerre propose donc de transposer pour l’usage des dirigeants ce processus qui mène aux décisions gagnantes, quelles que soient les circonstances.

Nous avons été agréablement surpris par le degré de compréhension du système suntzéen, inattendu dans ce type de transpositions. Les grandes idées sont présentes, et quelques commentaires font même preuve d’une certaine originalité, telles les raisons évoquées du succès de L’art de la guerre :

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Les 275 commandements de Sun Tzu

Sur 40 pages, Sun Tzu a délivré un nombre impressionnant de commandements.

Sur 40 pages, Sun Tzu a délivré un nombre impressionnant de commandements.

Nous allons ici proposer notre découpage de L’art de la guerre en commandements directs de Sun Tzu (i.e. exposés sous la forme impérative). Nous en avons recensé 275, sachant que ce comptage est éminemment subjectif et personnel. Ainsi avons-nous choisi de nous en tenir aux stricts commandements directifs de Sun Tzu et ne pas d’extrapoler à ses propos non-injonctifs (qui pourraient n’être lus que comme de simples recommandations). A titre d’exemple, après la phrase d’introduction sur la guerre, grande affaire des nations, le chapitre 1 commence par ces propos :

La guerre est subordonnée à cinq facteurs ; ils doivent être pris en compte dans les calculs afin de déterminer avec exactitude la balance des forces.
Le premier est la vertu, le second le climat, le troisième la topographie, le quatrième le commandement, le cinquième l’organisation.
La vertu est ce qui assure la cohésion entre supérieurs et inférieurs, et incite ces derniers à accompagner leur chef dans la mort comme dans la vie, sans crainte du danger.
Le climat est déterminé par l’alternance de l’ombre et de la lumière, du chaud et du froid ainsi que par le cycle des saisons.
La topographie comprend : les distances et la nature du terrain, lequel peut-être accidenté ou plat, large ou resserré, propice ou néfaste.
Le commandement dépend de la perspicacité, de l’impartialité, de l’humanité, de la résolution et de la sévérité du général.
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Peut-on trouver tout et son contraire dans L’art de la guerre ?

Les contradictions de Sun Tzu

Les contradictions de Sun Tzu

L’art de la guerre ne présente que peu de contradictions flagrantes. Il ne s’agit pas d’un ouvrage ésotérique ampli d’antinomies, lesquelles offriraient la possibilité de toutes les interprétations possibles. Toutefois, certaines assertions apparemment contradictoires peuvent y être trouvées. Nous allons dresser ici un petit catalogue d’affirmations pouvant à la fois être soutenues et contredites au sein du traité. Dans la présentation qui suit, la première maxime correspond à l’illustration du précepte, la seconde à son infirmation.

Il faut jeter ses soldats dans des situations désespérées pour les pousser au bout d’eux-mêmes :

« On jette [ses soldats] dans une situation sans issue, de sorte que, ne pouvant trouver le salut dans la fuite, il leur faut défendre chèrement leur vie. Des soldats qui n’ont d’autre alternative que la mort se battent avec la plus sauvage énergie. N’ayant plus rien à perdre, ils n’ont plus peur ; ils ne cèdent pas d’un pouce, puisqu’ils n’ont nulle part où aller. Aventurés en territoire hostile, ils serrent les rangs ; n’ayant d’autre alternative, ils se ruent au combat. » (chapitre 11)

« J’ai peu confiance dans ces subterfuges consistant à entraver les chevaux et à enterrer les roues des chars » (chapitre 11)

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