Le traité de guerre de Wu Zixu

Wu Zixu, un personnage très populaire en Chine

Wu Zixu, un personnage très populaire en Chine

La quasi-totalité des préceptes de Wu Zixu relatifs à la conduite de la guerre figure dans les chapitres 3 à 7 de son traité. Le reste, nous le verrons dans un prochain billet, traite plus spécifiquement de l’exercice du pouvoir.

Les chapitres 4 et 5 traitent presque exclusivement des meilleurs moments pour attaquer en fonction des croyances chinoises : les astres, les saisons et les cinq éléments. Ces parties ne présentent de fait plus d’intérêt pour le militaire contemporain. Les principaux enseignements intéressants de Wu Zixu sur le plan de la conduite de la guerre résident donc dans les chapitres 3, 6 et 7.

Si un certain nombre de thèmes traités n’ont pas survécu à l’évolution de la guerre (comme les préceptes relatifs au combat en région montagneuse), certains conservent toutefois leur pertinence aujourd’hui encore. Nous retenons ainsi les principales recommandations suivantes :

– user de duperie ;
– façonner l’humeur de l’ennemi : démoraliser ses troupes, exciter son impatience, l’inquiéter, affaiblir son ambition, etc. ;
– éviter les forces principales de l’adversaire et ne frapper que ses points faibles ; éviter le combat lorsque l’ennemi est plein de mordant et ne l’attaquer que lorsqu’il est en situation de faiblesse ;
– toujours aller de l’avant : « avancer de dix lieues plutôt que de reculer dix pas » ;
– ne pas disperser ses troupes ;
– être réactif et faire preuve de rapidité : déclencher l’attaque avant que l’ennemi ne soit prêt.

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L’art de la guerre de Wu Zixu

Wu Zixu

Wu Zixu

Le traité de Wu Zixu (abrégé en « le Wu Zixu ») est découpé en 9 chapitres (13 pour celui de Sun Tzu, « le Sun Tzu »). Le transcripteur en chinois moderne a pris la liberté de les nommer. Voici la traduction (remaniée par nos soins[1]) que leur en a donnée le commandant Jian Zhu :

  1. Diriger le peuple en dépendant de la loi objective du ciel et de la terre (la nourriture est essentielle à l’homme)
  2. S’adapter au moment propice (rendre le pays prospère et développer une armée forte en profitant de la situation)
  3. Déployer les troupes et combattre (principe d’opération sur diverses sortes de terrains)
  4. Du combat meurtrier (choisir le moment propice pour attaquer l’ennemi en fonction des astres)
  5. Du soleil, de la lune et des étoiles (choisir le lieu et le moment du combat optimal)
  6. Du combat (plan général de mobilisation et de déploiement de l’armée pour attaquer l’ennemi)
  7. De l’offensive (dix tactiques pour vaincre l’ennemi)
  8. Préserver le peuple (épurer l’environnement politique)
  9. Préconiser la vertu (traiter les affaires étrangères par la vertu)

Sur ces neuf chapitres, seuls cinq concernent la stratégie militaire (les 3 à 7), les quatre autres (1, 2, 8 et 9) traitant plus spécifiquement de l’exercice du pouvoir. Sujet que n’aborde pas Sun Tzu, excepté furtivement lorsqu’il affirme que le souverain ne doit pas interférer dans ce qui relève des seules prérogatives du général (cf. notre billet Sun Tzu prône-t-il la décorrélation du politique et du militaire ?)[2]

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Histoire du texte de L’art de la guerre de Wu Zixu

L'art de la guerre de Wu Zixu

L’art de la guerre de Wu Zixu

En 1983, des fouilles archéologiques ont mis à jour dans la province du Hubei[1], un tombeau de la dynastie des Han occidentaux[2] datant de 186 av. J.-C. Le nom du personnage enterré était inconnu, mais le mode de construction de sa tombe en bois et en terre damée a permis une bonne conservation dans ce milieu humide. C’est ainsi qu’une grande quantité de textes sur lamelles de bambou a été découverte. Parmi eux, se trouvaient huit manuscrits :
– un calendrier ;
– un recueil de lois et de règlements ;
– un recueil de cas de criminalité ;
– un manuel de calcul ;
– un inventaire ;
– et un ouvrage sur la théorie du gouvernement et de la guerre, le He Lü.

Ce que nous pourrions considérer comme un traité de tactique navale a également été découvert. A noter cependant que le texte était relativement réduit (il ne comportait que 200 idéogrammes).

Bien que le traité de Wu Zixu soit aujourd’hui présenté sous le titre « L’art de la guerre », son véritable intitulé est en réalité « He Lü », du nom du roi de Wu à qui Wu Zixu remit son traité. « L’art de la guerre » a été le titre donné pour la traduction en chinois moderne, en vue de faire écho au traité de Sun Tzu.

Il restait du traité de Wu Zixu 55 lamelles de bambou de 30 cm de long. Divisé en 9 parties, il contenait 2093 caractères. Les archéologues pensent que le traité retrouvé était incomplet, mais ils ne sont pas en mesure de savoir quelle quantité est manquante. Les textes anciens chinois n’apportent d’ailleurs pas plus de précision sur le pourtour qu’aurait pu avoir le traité complet.

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Pourquoi Wu Zixu est-il méconnu ?

Wu Zixu a même un opéra qui lui est consacré

Un opéra chinois sur Wu Zixu

Wu Zixu est extrêmement populaire en Chine, presque à l’égal de Sun Tzu. Et ce même avant la découverte miraculeuse de son traité en 1983 (nous y reviendrons dans notre prochain billet). Mais hors de Chine, l’homme est totalement inconnu. Au mieux la version anglaise de Wikipédia lui consacre-t-elle une page, reprenant sa biographie « officielle », mais sans même mentionner son traité.

Il a bien été possible de suivre en français son histoire à travers un feuilleton en bandes dessinées : 10 manhuas (mangas chinois) parus en 2006 aux Editions du Temps. Intitulée Sun Tzu, L’art de la guerre, l’histoire racontée était en réalité plus centrée sur Wu Zixu que sur Sun Tzu. Aujourd’hui épuisés, ces 10 volumes sont néanmoins faciles à se procurer en ligne sur le marché de l’occasion.

Ni la découverte du traité en 1983, ni sa traduction en chinois moderne en 2003, n’ont été vécues comme une révolution en Chine. Et pour cause : dans l’Empire du milieu, on retient de Wu Zixu qu’il fut un homme politique, oubliant qu’il fut également stratège et théoricien militaire. Il faut dire que son traité a été classé par les premiers archivistes dans la catégorie « ouvrage politique » et non « ouvrage militaire », réduisant de fait considérablement la portée de son œuvre : celle-ci a ainsi toujours été considérée comme l’un des innombrables textes politiques de la période, et non comme un traité militaire précurseur de celui de Sun Tzu. Et lu seulement sous l’angle politique, il est vrai que le traité n’offre guère d’intérêt autre qu’historique ; en politique, ce ne sont pas tant les écrits de Wu Zixu qui sont importants, que ce qu’il a fait dans sa vie.

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Wu Zixu, compagnon de Sun Tzu et auteur avant lui d’un Art de la guerre

Statue de Wu Zixu à Suzhou

Statue de Wu Zixu à Suzhou

Connaissez-vous Wu Zixu (prononcez « Wou Tzi tsu »), compagnon de Sun Tzu et auteur comme lui d’un Art de la guerre ? Probablement pas. Wu Zixu est en effet quasiment inconnu en France, en dehors du monde des sinologues.

Il est l’auteur d’un traité, traduit en chinois moderne sous le titre L’art de la guerre. Ce texte, que l’on croyait perdu, a été miraculeusement redécouvert en 1983 lors de fouilles archéologiques. Transcrit en chinois moderne en 2003, il n’est toujours pas parvenu dans la langue de Molière (ni même celle de Shakespeare), laissant pour l’heure un traité de stratégie potentiellement antérieur à celui de Sun Tzu totalement méconnu !

L’histoire de Wu Zixu (« 伍子胥» en chinois, Wŭ Zĭxū en pinyin accentué) peut être recomposée à partir de deux grands textes chinois antiques : Les Mémoires historiques de Sima Qian (le chapitre 66 lui est consacré) et les Annales de Lü Buwei[1]. Quelques mentions peuvent également être trouvées dans des ouvrages comme le Guliang Zhuan ou le Gongyang Zhuan. Les histoires diffèrent sensiblement d’un texte à l’autre, témoignant du caractère hautement relatif de cette biographie : à l’instar de Sun Tzu, il n’est ni sûr que les dates soient bonnes, ni même que l’homme ait réellement existé ! En voici donc une version, reconstituée à partir des différentes sources :

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