La ruse et les stratagèmes sont particulièrement valorisés chez Sun Tzu (cf. notre précédent billet De la duperie), tout comme dans le reste de la littérature militaire chinoise qui abonde d’exemples de ruses permettant de remporter la victoire d’une manière indirecte sans avoir à combattre. Les opérations militaires réussies mais considérées comme coûteuses et aventuristes sont en revanche toujours condamnées.
En apôtre de la ruse, Sun Tzu tient donc une position radicalement opposée à celle de Clausewitz. Pour ce dernier, la ruse va obérer des forces qui pourront se révéler faire cruellement défaut au point décisif. Le stratège prussien conclut d’ailleurs que seuls les faibles ont recours à la ruse :
« Quel que soit notre penchant à voir les chefs de guerre se surpasser en astuces, en habilité et en feintes, il faut reconnaître que ces qualités se manifestent peu dans l’Histoire et se sont rarement fait jour parmi les masses des évènements et des circonstances. […] Ce qui, en guerre, ressemble [à la ruse] –ordres et plans factices, fausses nouvelles répandues à l’intention de l’ennemi, etc.- est généralement si peu efficace dans le domaine de la stratégie qu’on ne peut y recourir qu’en certaines occasions isolées qui se présentent d’elles-mêmes. […] Le sérieux de l’amère nécessité rend l’action directe si urgente qu’elle ne laisse pas place au jeu. » (De la guerre, Livre III, chapitre 10)
Clausewitz n’envisage par exemple pas qu’une diversion puisse produire de véritables effets avec un nombre réduit de moyens. Au contraire :
« [La diversion] est fréquemment néfaste. […] Toute diversion apporte la guerre dans un secteur où elle n’aurait pas pénétré sans cela ; elle fera donc toujours lever quelques forces ennemies qui seraient restées inactives. » (De la guerre, Livre VII, chapitre 10)