La philosophie du yin et du yang, qui voit le monde comme une transformation perpétuelle, forme le soubassement de la culture stratégique de la Chine traditionnelle : l’intelligence du réel et des mutations en cours permet de gérer et d’agir à bon escient. Connaissant le sens des flux, c’est en les épousant que, paradoxalement, le stratège les dirige par synergie et coïncidence. A l’instar d’un art martial comme l’aïkido, c’est en accompagnant ces flux, en se faisant l’allié de plus fort que soi, qu’une telle apparente soumission peut déboucher sur une domination sans équivoque possible. L’art du stratège consiste ainsi à tirer le maximum d’effet par un travail de configuration des situations, comme l’eau qui tire sa puissance du fait de la gravité. Il faut tirer profit des potentiels inscrits dans les situations en les combinant avec des desseins à long terme. Il s’agit d’une culture stratégique d’inspiration indirecte qui privilégie l’action en fonction plutôt qu’a priori et en force. Une fois encore, nous voyons que Sun Tzu privilégie la conduite en cours d’action à une planification rigide (cf. notre billet Une qualité : la réactivité).
« Celui-là qui remporte la victoire en sachant profiter des manœuvres adverses possède un art réellement divin. » (chapitre 6)
A noter que cette injonction semble entrer en conflit avec celle de combattre l’ennemi dans ses plans : soit on l’empêche systématiquement de porter ses coups à pleine puissance, soit on le laisse faire pour retourner cette puissance contre lui.
Il n’y a donc pas qu’une seule application possible des enseignements de Sun Tzu, mais plusieurs, parmi lesquelles le général aura à choisir.
Source de l’image : Maître Morihei Ueshiba, fondateur de l’aïkido