Nous avons constaté dans notre précédent billet combien populaires étaient les citations issues de L’art de la guerre. Malheureusement, certaines d’entre elles sont fausses ! En voici les dix plus fréquentes, glanées au fil du web : (inutile d’indiquer leurs sources, les moteurs de recherches dénonceront les coupables…)
« Gardez vos amis près de vous et vos ennemis encore plus près.»
« Les opportunités se multiplient lorsqu’elles sont saisies. »
« Un chef dirige par l’exemple et non par la force. »
« La stratégie sans tactique est la route la plus lente vers la victoire ; la tactique sans stratégie est le fracas annonciateur de la défaite. »
« Lorsque le coup de tonnerre éclate, il est trop tard pour se boucher les oreilles. »
« En tuer un pour en terrifier un millier. »
« Celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre. »
« La guerre est semblable au feu ; ceux qui ne veulent pas déposer les armes périssent par les armes. »
« Dites aux gens ordinaires ce qu’ils veulent entendre. »
« L’affaiblissement ou l’élimination d’un adversaire est possible grâce à un usage habile d’une rumeur ponctuelle ou répétitive savamment diffusée. »
L’origine de ces citations inauthentiques est obscure. Il faudrait enquêter pour chacune d’entre elles. Nous avions d’ailleurs –vainement– tenté de comprendre l’origine de de la dernière de la liste dans notre billet Sun Tzu, une icône de la culture pop ?. Certaines nous paraissent susceptibles d’appartenir à d’autres textes, d’autres semblent être de véritables créations de toutes pièces. Même si cela ne règle pas rigoureusement la question de l’origine, certaines apparaissent comme des traductions de citations en langue anglaise, elles-mêmes fantaisistes ; par exemple, pour les cinq premières de la liste :
« Keep your friends close and your enemies closer. »
« Opportunities multiply as they are seized. »
« A leader leads by example, not by force. »
« Strategy without tactics is the slow path to victory. Tactics without strategy is the noise before defeat. »
« Kill one, terrify a thousand.»
Les anglo-saxons sont en effet eux-mêmes loin d’être exempts de citations apocryphes. Il est d’ailleurs surprenant que celles listées ci-dessous, particulièrement reprises, n’ont pas fait plus florès dans la langue de de Gaulle :
« Can you imagine what I would do if I could do all I can? »
« Even the finest sword plunged into salt water will eventually rust. »
« You have to believe in yourself. »
« The more you read and learn, the less your adversary will know. »
« The art of giving orders is not to try to rectify the minor blunders and not to be swayed by petty doubts. »
« To know your Enemy, you must become your Enemy. »
« Build your opponent a golden bridge to retreat across. »
Cerise sur le gâteau : une loi de Murphy, citée le plus sérieusement du monde comme étant de Sun Tzu dans un récent document militaire français (non disponible sur Internet) émanant du Centre d’enseignement et d’études du renseignement de l’armée de Terre (!…) :
« L’ennemi attaque invariablement à deux occasions : quand il est prêt, et quand vous ne l´êtes pas. »
A noter que les contrevérités concernant Sun Tzu ne se cantonnent à ses citations. Outre les différents lecteurs célèbres qu’on lui attribue, ses dates de vie largement mythifiées, voire tout simplement sa biographie, on le gratifie en outre de l’invention du jeu d’échecs ! L’auteur de L’art de la guerre serait en effet l’inventeur du Wei Hai, ancêtre du jeu des échecs. Rien de plus faux : déjà que l’existence de Sun Tzu n’est pas avérée, cette affirmation relève de la légende urbaine récente, propagée par Internet.
la citation sur le feu est en fait issue d’un commentaire de Li Quan qui lui-même cite le Chun Qiu.
on la trouve dans la traduction de « l’art de la guerre » de Griffith / Francis Wang, edition champ classique du 2 avril 2008 (couverture jaune), page 133