Les années 2000 (à partir de 1999 pour être exact) marquèrent la véritable explosion de Sun Tzu en France. Alors que, nous l’avons vu récemment, seulement quatre traductions différentes étaient proposées au lecteur en 1998, nous en sommes à plus de vingt en 2012 ! (Cf. notre billet Combien de versions différentes ?). Sans explication apparente, 1999 marqua le déclenchement de cette frénésie où pratiquement chaque année vit apparaître au moins une nouvelle traduction. De même, nombre d’articles sur Sun Tzu furent écrits à partir de cette date (surtout il est vrai en transposition au monde de l’entreprise). Enfin, l’essor d’Internet permit également la prolifération d’articles et de billets mis en ligne sur tout type de blogs.
Nous aurions logiquement pu présenter les parutions par ordre chronologique, mais ce choix nous a paru peu pertinent car chaque nouvelle édition de L’art de la guerre sortait de façon relativement indépendante de celles qui l’avaient précédée. Aussi nous a-t-il semblé plus judicieux de regrouper ces parutions par type :
1. Les traductions directement du chinois au français
1) Valérie Niquet en 1988 aux éditions Economica.
2) Jean-François Phélizon en 1999 aux éditions Economica.
3) Jean Lévi en 2000 aux éditions Hachette.
4) Tang Jialong en 2004[1] aux éditions Rivages.
5) Xu Xiaojun et Jia Xiaoning en 2009[2] aux éditions des Sciences militaires.
6) Alexis Lavis en 2009 aux Presses du Châtelet.
7) Luo Shenyi en 2011 aux éditions You Feng.
Cette classification est en réalité très insatisfaisante, car il conviendrait de distinguer les traductions issues du chinois classique (les trois premières) de celles provenant du chinois moderne (les suivantes), qui peuvent véritablement être considérées comme des traductions de seconde main. Nous reviendrons sur les raisons de cette distinction dans un prochain billet.
2. Les traductions transitant par une autre langue
1) En 1972, la version de l’américain Samuel Griffith, traduite en français par Francis Wang aux éditions Flammarion.
2) En 2001, la traduction issue de l’espagnol aux éditions Eyras ; le passage du chinois vers l’espagnol était dû à José María Sánchez Barrio et celui de l’espagnol vers le français à Brigitte de le Court.
3) En 2005, celle du « groupe Denma »[3] au Courrier du Livre ; la traduction de l’anglais était due à Loïc Cohen.
4) En 2006, une nouvelle traduction du texte de Samuel Griffith par Jeanne Glaubauf parut aux éditions Evergreen.
5) Enfin, en 2011, la dernière traduction issue de l’anglais parue fut celle de James Trapp, mise en français par Antonia Leibovici aux éditions Guy Trédaniel.
3. Les versions du père Amiot
1) En 1996 reparaissait la version de l’Impensé radical aux éditions des 1001 nuits (et en mars 2012 aux éditions Encore).
2) En 2002, celle de Lucien Nachin était publiée par les Presses Pocket.
3) En 2007, le texte de 1772 fut pour la première fois édité en français modernisé –et non remanié. Il représentait largement plus de la moitié d’un ouvrage à la diffusion relativement confidentielle (car en auto-édition) et dont le titre ne pouvait laisser deviner son contenu : Investir en Chine – Guerre et Commerce, d’Adrien Lawrence Beaulieu.
4) En 2009, Gabriel Lechevallier (pseudonyme de Pierre Ripert) publia un texte intitulé Décoder & comprendre L’art de la guerre, censé reprendre le texte du père Amiot[4]. En réalité, l’« auteur » avait repris le texte de l’Impensé radical qu’il avait largement remanié et simplifié afin de le rendre, selon lui, plus lisible, aboutissant ainsi à une véritable nouvelle version du texte du père Amiot.
5) Enfin, en 2011, un fac-similé du septième volume des Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois par les missionnaires de Pé-kin, de 1782, parut aux éditions Nabu Press. Le texte du père Amiot était désormais enfin accessible dans sa forme originale en version papier. Nous avons en outre vu dans notre précédent billet que la version fac-similé de l’Art militaire des Chinois de 1772 vient tout juste de paraître aux éditions Hachette-BNF.
Durant cette période des années 2000, le nombre de parutions s’emballa également de par les changements de couverture, les rééditions, et surtout de « nouvelles éditions » qui reprenaient un texte de traduction déjà existant, mais en apportant un appareil critique nouveau. En outre, certains traducteurs ont pu faire évoluer leur traduction à l’occasion d’une nouvelle édition. Au final, suivant le mode de comptage, au moins une vingtaine de nouvelles publications virent le jour durant cette décennie, de nombreuses ne connaissant pas de réédition et disparaissant suite à leur épuisement.
[1] Tang Jialong : 1994 ou 2004 ? Nous avons vu dans le billet sur la période 1988-2000 que la traduction de Tang Jialong existait en réalité depuis 1994, mais n’était parue qu’en Chine et n’était donc pas accessible au public français, hors librairies spécialisées. Ce n’est qu’en 2004 qu’elle sera diffusée en France aux éditions Rivages.
[2] Comme dans le cas de Tang Jialong, cet ouvrage avait connu une première édition en Chine en 1990. La version de 2009 n’est toujours éditée qu’en Chine, mais avec l’essor d’Internet et le développement des librairies spécialisées chinoises, elle est aujourd’hui très facilement accessible au public français.
[3] Ce collectif était composé de six personnes : Kidder Smith, James Gimian, Hudson Shotwell, Grant MacLean, Barry Boyce et Suzann Duquette.
[4] « Les citations du présent ouvrage sont tirées de la traduction de Joseph-Marie Amiot. […] Certains paragraphes des Treize articles ont été réduits, ou supprimés : Sun Tzu, en bon pédagogue, y répète à plusieurs reprises la même leçon. » (p. 11)