La hardiesse est un prérequis de la victoire :
« Un général avisé […] voit les profits et peut tenter des entreprises ; il ne néglige pas les risques et évite les désagréments. » (chapitre 8)
« Si l’on veut s’emparer de la victoire, il faut la cueillir au milieu du danger. » (chapitre 11)
Cette nécessaire prise de risque est une conséquence du brouillard de la guerre. Un général qui serait trop prudent, attendant de posséder le renseignement suffisant pour se déterminer, serait toujours paralysé. En outre, il subirait systématiquement l’action et ne serait jamais maître du tempo. Sun Tzu, au contraire, prône l’initiative et la maîtrise du déroulement de la bataille.
Dans certains passages, L’art de la guerre semble pourtant se montrer frileux :
« On ne poursuit pas une armée dont la retraite est simulée ; […] on ne gobe pas l’appât que l’adversaire vous tend. » (chapitre 7)
La raison en est que Sun Tzu traite là de l’intuition (éventuellement aidée du renseignement) dont doit faire preuve le général pour sentir quand l’ennemi lui tend un piège. Il ne recommande évidemment pas de toujours redouter une ruse, faute de quoi il serait en permanence paralysé, n’ayant jamais suffisamment de renseignement pour être sûr des intentions, de la position et de la force de son adversaire.
Mais la particularité du système suntzuéen est d’aller très loin dans la prise de risque, jusqu’à accepter de tout perdre si l’on considère que cela peut ponctuellement apporter la supériorité nécessaire. C’est ainsi que le stratège chinois commande de mettre volontairement ses subordonnés dans une situation désespérée pour qu’ils se surpassent :
« On jette [ses soldats] dans une situation sans issue, de sorte que, ne pouvant trouver le salut dans la fuite, il leur faut défendre chèrement leur vie. Des soldats qui n’ont d’autre alternative que la mort se battent avec la plus sauvage énergie. […]
« Quand il mène ses hommes aux combats, c’est comme s’il leur retirait l’échelle sous les pieds après les avoir fait grimper en haut d’un mur. Il pénètre profondément à l’intérieur du territoire ennemi et appuie sur la détente. Il brûle ses vaisseaux et casse ses marmites. […]
« La tâche du général se borne à rassembler ses troupes pour les jeter au cœur du danger. » (chapitre 11)
Le prix d’un échec de cette prise de risque est d’autant plus élevé que Sun Tzu porte un réel amour à ses subordonnés :
« Pour peu que leur chef les aime comme un nouveau-né et les chérisse comme un fils bien-aimé, les soldats seront prêts à le suivre en enfer et à lui sacrifier leur vie. » (chapitre 10).
Perdre ses hommes serait donc un véritable déchirement.
De façon pragmatique, Sun Tzu considère donc que cette prise de risque est le meilleur moyen de gagner la guerre à moindre frais. Et qu’à rechigner à prendre des risques, les dommages seront statistiquement au final plus grands..
Une prise de risque que les sociétés occidentales modernes considèrent comme inacceptable…