Sun Tzu et le secret

La préservation du secret, un besoin depuis longtemps identifié

Corollaire de la recherche de renseignement évoquée dans le billet précédent, il convient de se prémunir de l’exercice de cette activité par l’adversaire. Il s’agit logiquement de chercher à être le plus hermétique possible face au renseignement de l’ennemi. Moins ce dernier connaîtra avec précision notre position, nos effectifs et nos intentions, et moins il sera à même d’avoir l’initiative de l’action. Il sera alors obligé d’agir dans le brouillard, en se rabattant sur une disposition à même d’englober tout le champ des possibles, manœuvre qui s’avèrera donc nécessairement peu efficace car ne pouvant répondre à aucun des principes de la guerre : concentration des efforts, économie des moyens, liberté d’action.

« S’il ne sait où je vais porter l’offensive, l’ennemi est obligé de se défendre sur tous les fronts. » (chapitre 6)

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Du renseignement

Sun Tzu, premier théoricien du renseignement

Si, comme nous l’avons vu dans le billet précédent, Sun Tzu évoque les espions pour acquérir le renseignement sur l’ennemi, ce n’est pas le seul moyen. Les éclaireurs, qui fournissent une information d’intérêt plus immédiat, témoignent également d’une démarche de recherche active du renseignement :

« Qui ne sait recourir aux éclaireurs sera incapable de tirer parti des avantages du terrain » (chapitre 11)

Outre l’espionnage, un autre procédé peut être déduit des propos de Sun Tzu pour acquérir cette connaissance de l’adversaire : la manœuvre, les reconnaissances et les coups de sonde :

« Examinez les plans de l’ennemi pour en connaître les mérites et démérites ; poussez-le à l’action pour découvrir les principes de ses mouvements ; forcez-le à dévoiler son dispositif afin de déterminer si la position est avantageuse ou non ; harcelez-le afin de repérer ses points forts et ses points faibles. » (chapitre 6)

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De l’espionnage

L’espionnage, une pratique plus que jamais d’actualité

Sun Tzu consacre l’intégralité du dernier chapitre de son traité aux espions. Pour lui, leur usage relève de l’obligation :

« Un prince avisé et un brillant capitaine sortent toujours victorieux de leurs campagnes et se couvrent d’une gloire qui éclipse leurs rivaux grâce à leur capacité de prévision. Or la prévision ne vient ni des esprits ni des dieux ; elle n’est pas tirée de l’analogie avec le passé pas plus qu’elle n’est le fruit des conjectures. Elle provient uniquement des renseignements obtenus auprès de ceux qui connaissent la situation de l’adversaire. » (chapitre 13)

L’art de la guerre se termine d’ailleurs sur cette phrase :

« Le rôle [des espions] est essentiel et […] sur eux reposent les mouvements d’une armée. » (chapitre 13)

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Sun Tzu prône-t-il la décorrélation du politique et du militaire ?

Le chef politique et le chef militaire

Sun Tzu se montre relativement radical vis-à-vis du rôle du souverain dans la conduite de la guerre :

« Un souverain peut être une cause de troubles pour l’armée de trois façons. Il entrave les opérations militaires quand il commande des manœuvres d’avance et de recul impraticables ; il trouble l’esprit des officiers quand il cherche à intervenir dans l’administration des trois armes alors qu’il en ignore tout ; il sème la défiance chez les hommes en cherchant à s’immiscer dans la distribution des responsabilités alors qu’il ne connaît rien à l’exercice du commandement. » (chapitre 3)

Cela signifierait-il que selon lui, pour retourner la formule de Clémenceau, la guerre serait une chose trop grave pour être confiée au politique ?

Absolument pas. Bien au contraire.

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De la signification du Dào

Le dào.

Dans son introduction à Relire L’art de la guerre de Sun Tzu[1], Jean-François Phélizon expose une vision inédite (au moins en français) du concept de « dào[2] ». Vision que personnellement nous ne partageons pas, mais que nous trouvons particulièrement intéressante à relayer car expression de la réflexion française sur L’art de la guerre.

Sa lecture de l’idéogramme 道 (prononcer « dao ») amène en effet Jean-François Phélizon à affirmer que pour Sun Tzu, « l’action stratégique procède d’une direction qui s’impose à tous les membres du groupe ; en ce sens, la stratégie n’est autre qu’une règle d’action collective ». Le sens qu’il attribue au terme dào est en effet que le peuple (et pas seulement le général) aurait un objectif commun, transcendant, qui l’exalterait à aller au combat pour accomplir cet objectif.

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