Sujet d’étude de ce blog, L’art de la guerre expose un certain nombre de préceptes devant nous permettre de gagner la guerre :
« Le général qui se fie à mes calculs sera nécessairement victorieux : il faut se l’attacher ; le général qui se refuse à les entendre sera régulièrement défait : il faut s’en séparer ! » (chapitre 1)
Sun Tzu a poussé sa réflexion jusqu’à envisager que l’adversaire puisse agir de même. Il en a alors déduit un certain nombre de parades qu’il distille au fil du traité. Ainsi, lorsque Sun Tzu enjoint d’élaborer une manœuvre visant à façonner l’ennemi, le stratège prévoit aussi que l’ennemi cherchera à faire de même et invite dès lors à établir une configuration qui, en plus de façonner l’adversaire, donnera à ce dernier l’impression qu’il a, lui, réussi à nous façonner :
« La tâche d’un bon militaire consiste à feindre de se conformer aux desseins de l’ennemi. Alors, groupant ses forces sur un seul point, il fond sur lui depuis mille lieues et tue ses généraux. Voilà ce qui s’appelle réaliser ses buts grâce à sa ruse et ses capacités. » (chapitre 11)
De même, en auto-réponse au grand thème de la duperie qu’il développe, Sun Tzu revient à plusieurs endroits sur le besoin de prévenir toute velléité de l’adversaire en ce sens :
« On ne poursuit pas une armée dont la retraite est simulée […] on ne gobe pas l’appât que l’adversaire vous tend » (chapitre 7)
« L’ennemi se montre humble et renforce son dispositif : il se prépare à l’offensive ; ses hérauts sont pleins de morgue et il fait mine d’avancer : il s’apprête à battre en retraite. » (chapitre 9)
Notons que bien souvent, ces parades semblent cachées, étant la plupart du temps localisées à un tout autre endroit que le précepte qu’elles contrent… Rares sont les fois où, à l’instar du contre-espionnage, elles apparaissent directement dans la partie relevant du précepte originel :
« Il est indispensable de repérer les agents ennemis envoyés en renseignement. » (chapitre 13 « L’espionnage »)
L’adaptation des préceptes pour se prémunir de leur application par l’adversaire complexifie notablement leur conception. Pour reprendre notre premier exemple, s’il est déjà difficile d’élaborer une manœuvre qui permette de façonner l’ennemi, que dire d’une qui doive en plus donner l’impression à ce dernier que c’est lui qui nous manipule !… Pour nous rassurer, n’oublions pas que Sun Tzu ne considère pas qu’il faille appliquer l’intégralité de ses préceptes pour vaincre, mais qu’il faut juste en appliquer plus que l’adversaire :
« Pris en compte dans les calculs, les cinq facteurs permettent une évaluation exacte du rapport de forces. Il suffit pour cela de se demander : Qui a les meilleures institutions ? Qui a le meilleur général ? Qui a les conditions climatiques et géographiques les plus favorables ? Qui a la meilleure discipline ? Qui a l’armée la plus puissante et les soldats les mieux aguerris ? Qui possède le système de récompenses et de châtiments le plus efficace ? La réponse à ces questions permet de déterminer à coup sûr le camp qui détient la victoire. » (chapitre 1)
Et :
« Qui additionne de nombreux atouts sera victorieux, qui en a peu sera vaincu. » (chapitre 1)