De l’espionnage

L’espionnage, une pratique plus que jamais d’actualité

Sun Tzu consacre l’intégralité du dernier chapitre de son traité aux espions. Pour lui, leur usage relève de l’obligation :

« Un prince avisé et un brillant capitaine sortent toujours victorieux de leurs campagnes et se couvrent d’une gloire qui éclipse leurs rivaux grâce à leur capacité de prévision. Or la prévision ne vient ni des esprits ni des dieux ; elle n’est pas tirée de l’analogie avec le passé pas plus qu’elle n’est le fruit des conjectures. Elle provient uniquement des renseignements obtenus auprès de ceux qui connaissent la situation de l’adversaire. » (chapitre 13)

L’art de la guerre se termine d’ailleurs sur cette phrase :

« Le rôle [des espions] est essentiel et […] sur eux reposent les mouvements d’une armée. » (chapitre 13)

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Des préceptes pouvant être totalement opposés d’une traduction à l’autre

Une étonnante comparaison des traductions

Celui qui se livrera à l’exercice de comparaison de deux traductions françaises de L’art de la guerre (et il aura le choix, cf. notre billet Combien de versions différentes ?) aura la surprise de voir combien les textes proposés peuvent s’avérer dissemblables. A tel point que certains propos de Sun Tzu se retrouvent parfois totalement inversés d’une traduction à l’autre. Nous illustrerons ce phénomène à travers l’exemple de deux traductions que nous jugeons de grande qualité : celle Jean Lévi aux éditions Hachette et celle du groupe Denma au Courrier du livre.

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Un traité volontairement obscur

Que renferment ces caractères ?

Le traité de Sun Tzu est, nous l’avons vu dans un billet précédent, particulièrement obscur.

Outre les difficultés propres à la langue, Jean Lévi explique[1] que beaucoup de livres privilégiaient à l’époque ancienne une forme cryptique : ils n’étaient pas là pour fournir un exposé clair et raisonné d’une théorie, mais au contraire pour n’être accessibles qu’aux seuls initiés. Une certaine obscurité pouvait ainsi être volontairement recherchée, comme on a pouvait par exemple l’observer chez Lao Tseu[2]. La guerre étant chaos, étant un objet insaisissable, une description correcte doit également être chaotique pour refléter au mieux son sujet. En outre, l’art de la guerre étant un sujet sensible qui ne doit pas être connu par tout le monde, il convient qu’il demeure obscur pour n’être compris que des véritables initiés ! En Chine, s’agissant de la transmission d’un dao, « d’une recette », qui assure la domination, tout message trop clair est dévalorisé, car devenant alors accessible à tous.

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De quand date le texte de L’art de la guerre que nous connaissons ?

Un texte définitif datant du IIe siècle ap. J.-C. ?…

Si Sun Tzu a formalisé sa pensée durant la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., et que la plus ancienne version du texte qui nous soit parvenue date d’environ 180 av. J.-C., il apparaît que le traité lui-même a pu n’être finalisé dans sa forme actuelle que bien plus tardivement.

L’imprimerie n’existant pas encore[1], il était logique que de nombreuses versions de L’art de la guerre se soient progressivement développées en parallèle.

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L’art de la guerre est-il complet ?

Le traité est-il complet ?

Le traité est-il complet ?

Bien des passages de L’art de la guerre laissent un goût d’inachevé, voire donnent nettement l’impression que le traité est incomplet ! En effet, certaines parties paraissent de toute évidence manquantes. Plusieurs énumérations péremptoires ne sont ainsi suivies d’aucunes explications, comme :

« L’analyse stratégique comprend : les superficies, les quantités, les effectifs, la balance des forces, la supériorité » (chapitre 4)

… sans que soient fournies plus de précisions. Pire : les « neuf retournements » censés être l’objet du chapitre 8 ne sont explicités ni dans ce chapitre ni dans le reste du traité (excepté dans la « traduction » du père Amiot, mais il s’agit dans ce cas-là d’une interprétation).

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