Le général de Gaulle a-t-il lu Sun Tzu ?

De Gaulle en 1948

De Gaulle en 1948

La question peut sembler incongrue, étant donné que nous avons précédemment vu que Sun Tzu n’avait réellement fait son apparition en France qu’en 1972, avec la traduction américaine de Samuel Griffith. Pourtant il n’est pas impossible que le général ait eu connaissance du stratège chinois.

En effet, Charles de Gaulle était ami avec Lucien Nachin[1], l’homme qui republia en 1948 la traduction du père Amiot (cf. notre billet Sun Tzu de 1901 à 1950). Les échanges avec le capitaine de Gaulle commencent en 1923, au moment où Lucien Nachin, également capitaine, choisit de quitter l’armée d’active pour ne plus servir que dans la réserve. Les deux hommes fréquentent alors notamment le salon d’Emile Mayer[2]. Ils conservèrent des liens très étroits, se rencontrant régulièrement : on trouve les traces de ces rencontres et de ces déjeuners dans les agendas du général, y compris en avril 1951, soit deux mois avant le décès de Lucien Nachin.

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Sun Tzu en France primé par l’IHEDN

Prix scientifique de l'IHEDN

Le prix scientifique de l’IHEDN

Sun Tzu en France a eu le grand honneur de recevoir le Prix scientifique de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale[1]) dans la catégorie « Prix spécial de mémoire ». La récompense a été directement remise le 13 février dernier par le général de corps d’armée Jean-Marc Duquesne, directeur de l’IHEDN.

Le jury était composé de représentants de la direction de l’IHEDN, d’universitaires et de personnalités qualifiées des domaines de défense, de relations internationales, d’armement et d’économie de défense.

Un grand merci pour cette reconnaissance.


[1] La mission première de l’IHEDN est de réunir des responsables de haut niveau, civils et militaires, français ou étrangers, en vue d’approfondir en commun leur connaissance des questions de défense, de politique étrangère, d’armement et d’économie de défense. En outre, il contribue à promouvoir et à diffuser toutes connaissances utiles sur ses trois champs disciplinaires. C’est à ce titre que Sun Tzu en France a été primé.

Source de l’image : photo de l’auteur

Sun Tzu en France, une étude de la réception de L’art de la guerre

Sun Tzu en France

Sun Tzu en France, le livre

Le premier livre issu de ce blog vient de paraître. Édité chez Nuvis, petite maison jeune et très dynamique, il est proposé sous forme papier (24 €) ou numérique (12 €).

L’ouvrage est préfacé par Jean-Pierre Raffarin. L’ancien Premier ministre entretient en effet un lien fort avec la Chine, lien qui l’a amené à étudier en profondeur ce grand traité stratégique.

Mais de quoi exactement parle le livre ?

Fruit d’une enquête minutieuse autant historique que philologique, Sun Tzu en France retrace l’histoire de la réception de ce traité en France, de la première traduction par un jésuite, le père Amiot, au XVIIIe siècle, aux toutes dernières parutions sorties, tant dans le domaine des livres papier que dans celui du numérique, de la bande dessinée ou même de la chanson. Une riche iconographie (l’ouvrage comporte près d’une centaine d’illustrations en couleur) complète le propos. A travers de très nombreux exemples, le travail des traducteurs est décortiqué pour expliquer comment il est aujourd’hui possible de trouver des préceptes totalement opposés d’une traduction à l’autre.

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Sun Tzu et Clausewitz : Les points de désaccord

Les différences de fond

Des différences de fond

Après avoir évoqué quelques thèmes sur lesquels Sun Tzu et Clausewitz peuvent se rejoindre, nous allons maintenant nous intéresser à quelques-uns de ceux sur lesquels les deux stratèges en arrivent à des conclusions radicalement inverses.

Il est en premier lieu très fréquent de voir les deux traités opposés sur l’idée que l’un serait le chantre de la stratégie directe tandis que l’autre serait celui de l’approche indirecte. Pour des auteurs comme Vincent Desportes ou Benoît Durieux, ce serait toutefois une interprétation parcellaire que de lire chez Clausewitz l’apologie de la stratégie directe. Sans doute. Mais ce n’est pas parce que Clausewitz envisage la possibilité d’une attaque de flanc qu’il prône pour autant la stratégie indirecte. La vraie stratégie indirecte ne consiste en effet pas à attaquer sur les flancs ou à revers plutôt que de front, mais là où personne ne vous attend parce que, a priori, c’est hors sujet, sans lien apparent ni prévisible avec l’objectif principal, si ce n’est celui que l’on va créer. C’est de cela dont parle Sun Tzu. Ainsi, l’effet de surprise peut être aussi, à l’inverse, d’attaquer là où cela paraît le plus évident, le plus visible, précisément parce que ça l’est tellement que l’adversaire va finir par ne plus s’y attendre. C’est aussi cela, la stratégie indirecte.

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Sun Tzu et Clausewitz : Quelques mises en parallèle

Les systèmes de Sun Tzu et Clausewitz ont-ils des points communs ?

Les systèmes de Sun Tzu et Clausewitz ont-ils des points communs ?

Nous l’avons vu dans les billets précédents, Sun Tzu et Clausewitz abordent leur sujet de deux manières différentes. En découle que les thèmes traités ne se correspondent pas forcément. Bon nombre d’idées ne sont ainsi développées que par l’un ou l’autre : l’armée qui doit être comme l’eau pour Sun Tzu, le concept de friction pour Clausewitz, … Quand les thèmes concordent, les analyses des deux stratèges peuvent alors converger (même si les façons de les énoncer peuvent être très distinctes), différer, voire, plus rarement, être en franche opposition.

Un certain nombre d’idées sont donc similaires chez Sun Tzu et Clausewitz. Par exemple, pour les deux stratèges, le rapport de force se crée fondamentalement et de manière instable et délicate dans le rapport affectif du peuple et du souverain, ainsi que du peuple sous les armes et du commandement militaire, rapports qui dans un camp (plus que dans l’autre) permettent, le moment venu, de demander à la population un effort exceptionnel. Les formulations sont dans la forme très différentes, mais l’idée reste la même.

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