Combien de versions françaises différentes ?

Le rayon Sun Tzu de la FNAC des Halles (Paris)

Note : Une version plus actualisée de cet article a été mise en ligne le 27 avril 2012.

Combien y a-t-il aujourd’hui de traductions françaises différentes de L’art de la guerre ? Question délicate, tout dépend en effet du mode de comptage. Disons entre 15 et 23. Ou 30. Ou plus…

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Pourquoi pas « Sun Zi France » ?

La couverture de 1972 de la traduction du général Griffith

La couverture de 1972 de la traduction du général Griffith

Outre le communément répandu « Sun Tzu », les orthographes suivantes de l’auteur de L’art de la guerre peuvent être recensées : Sun Zi[1], Sunzi[2], Sun Wu[3], Sun Tse[4], Sun-Tze[5], Sun Tsu[6] et Souen Tseu[7]. Pourquoi avons-nous retenu la première ?

La transcription des noms chinois se fait de nos jours selon le système « pinyin », développée dans les années 50 en Chine populaire. Les idéogrammes 孫子 (孙子 en chinois simplifié) se transcrivent alors : Sun Zi, ou plus exactement Sūn Zǐ. Malheureusement ce système donne une idée fausse des prononciations à un public de non-spécialistes et ne retranscrit pas ainsi clairement la phonétique du nom [suən.ts̩]. Cette dernière est mieux rendue par le système de l’Ecole Française d’Extrême-Orient (EFEO) : Souen Tse(u). L’orthographe Sun Tzu est quant à elle la transcription selon le système anglo-saxon dit « Wade-Giles », largement répandue en France grâce au succès de la traduction en 1972 du général américain Samuel Griffith. Toutes les autres graphies ne sont que des tentatives de retranscription phonétique.

Sauf un : le nom d’usage réel du personnage, s’il a vraiment existé, était en réalité Sun Wu (孫武). Sun étant le nom de famille et Zi signifiant « maître », comme dans : Lao Zi, Confucius (Kong Zi) ou encore Mencius (Meng Zi). Ce titre de « Sun Zi » pourrait ne lui avoir été décerné que de façon posthume.

De même que l’usage a retenu Confucius à Kong Zi, nous avons donc opté pour Sun Tzu plutôt que Sun Zi, l’orthographe anglo-saxonne ayant imprégné une génération complète de militaires, génération dont nous faisons partie.

Notons enfin qu’avant la sortie de la traduction du général Griffith en 1972, L’art de la guerre ne portait pas encore ce nom mais s’appelait Les treize articles, titre qu’avait retenu deux siècles plus tôt le père Amiot pour sa toute première traduction française du traité.


[1] Sun Zi, L’art de la guerre, traduction de V. Niquet, Economica, Paris, 1999.

[2] Sunzi, L’art de la guerre, traduction de T. Jialong, Rivages poches, Paris, 2004.

[3] Sun Wu et Sun Bin, L’art de la guerre, traduction de T. Jialong, Editions en langues étrangères, Pékin, 2010.

[4] Sun Tse, L’art de la guerre, traduction du groupe Denma, Le Courrier du Livre, Paris, 2005.

[5] Guy de Contenson, L’art militaire des Chinois d’après leurs classiques, in Nouvelle revue, tome 5, Paris, 1900, pp. 555 à 563.

[6] Sun Tsu, L’art de la guerre, traduction de J. M. Sánchez Barrio et B. de le Court. 2001, Eyras, Madrid, 2001.

[7] George Soulié de Morant, Essai sur la littérature chinoise, éditions Mercure de France, Paris, 1924.

Source de l’image : Photo de l’auteur

Le paradoxe du travail bien fait

Une version prestige sur bambou de L’art de la guerre

L’art de la guerre fourmille de paradoxes. En voici un qui me laisse perplexe :

Le traité dont nous disposons aujourd’hui a été le fruit d’un long processus d’écriture et de retouches. Alors que Sun Tzu a formalisé sa pensée au cours du IVe siècle av. J.-C., le texte final du traité n’a été fixé que quinze siècles plus tard ! Entre temps, de nombreuses versions se sont développées, cherchant à affiner voire corriger la pensée du maître. Le texte final, fédérateur de toutes ces versions, n’est apparu qu’au XIe siècle[1]. Nous pourrions alors légitimement nous attendre à trouver un traité parfaitement poli jusque dans les moindres détails.

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