L’Art de la guerre de Sun Bin

La première traduction française du traité de Sun Bin (1994)

Nous avons déjà raconté l’épisode de la découverte de la tombe du Yinqueshan en avril 1972. Parmi les rouleaux de bambous qui ont été retrouvés figurait, outre un exemplaire du traité de Sun Tzu, celui de Sun Bin.

L’exemplaire du traité de Sun Bin retrouvé dans la tombe du Yinqueshan était particulièrement endommagé. Seule une partie[1], difficilement déchiffrable, put être récupérée. De nombreux chercheurs se penchèrent sur les restes découverts et tentèrent de reconstituer tout ce qu’il était possible du traité. La première transcription du texte en chinois moderne parut en 1975.

L’exemplaire retrouvé ayant souffert du temps, il ne livre qu’un texte parcellaire. Sa reconstitution reste hypothétique. Aussi, une nouvelle découverte archéologique serait susceptible de fortement modifier le traité tel qu’actuellement rendu public.

La première traduction française de cet exemplaire parut en 1994, réalisée par Tang Jialong[2]. Deux ans plus tard, la sinologue Valérie Niquet, qui avait déjà été la première à traduire Sun Tzu du chinois ancien directement vers le français, livra sa propre traduction[3]. Une troisième sortit en 2011, signée Luo Shenyi[4]. Notons pour finir que de très nombreux passages du traité de Sun Bin sont inclus dans la traduction de Jean Lévi, mis en parallèle avec les propos de Sun Tzu[5].

Nota : A la différence de celui de Sun Tzu, le traité de Sun Bin n’est pas disponible gratuitement sur Internet, celui-ci n’étant pas encore libre de droits, ayant été découvert en 1972, la première traduction française par (Tang Jialong) ne datant que de 1994.

Tout comme avec le traité de Sun Tzu, les spécialistes n’ont pas de certitudes quant à la composition du traité de Sun Bin : certains analystes considèrent qu’il n’est qu’une compilation des enseignements du stratège, recueillie par ses disciples et transcrite peu après sa mort. D’autres pensent qu’un texte de la main de Sun Bin existait, et que le traité qui nous est parvenu serait une version contemporaine, peut-être augmentée de l’enseignement recueilli par les disciples. Les plus sceptiques estiment que le texte pourrait n’être qu’un recueil d’éléments d’origine inconnue qui se serait revendiqué de Sun Bin afin d’être considéré…

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Des maximes apocryphes issues du manuscrit du Yinqueshan

Les fragments encore exploitables du manuscrits de Yinqueshan

Les fragments encore exploitables du manuscrits de Yinqueshan

Nous avions vu dans le précédent billet des maximes apocryphes attribuées à un « Maître Ho » dont on ne sait aujourd’hui rien.

D’autres maximes orphelines existent, telles celles trouvées dans le manuscrit du Yinqueshan. Il semble dans ce cas que des commentaires se soient retrouvés incorporés au texte du traité.

Les maximes suivantes proviennent de la traduction de Jean Lévi parue aux éditions Fayard/Pluriel. En rouge, le texte commun de L’art de la guerre.

Chapitre 8

[…] Il est des voies à ne pas emprunter, des villes à ne pas investir, des armées à ne pas affronter, des provinces à ne pas conquérir, des ordres royaux à ne pas obéir.

II est des routes à ne pas emprunter : cela signifie que si l’on ne s’y engage qu’à moitié, on ne pourra pas atteindre les objectifs fixés et que si on s’y engage pro­fondément, on n’obtiendra aucun bénéfice par la suite ; de sorte qu’il est désavantageux de bouger ; mais à rester sur place, on risque de se trouver encerclé.

On n’attaque pas une armée même quand on en a les moyens : cela signifie que me trouvant face à face avec l’adversaire, bien que je dispose de forces suffisantes pour lui livrer combat et suis en mesure d’acculer son général, je calcule, qu’à long terme, ils ont de leur côté la puissance d’un stratagème extraordinaire et la possibilité d’un coup habile… Dans un cas semblable, on s’abstient de livrer combat même si on le peut.

Des villes à ne pas attaquer : c’est-à-dire que même au cas où je dispose de forces suffisantes pour emporter la place, si je l’emporte, une fois conquise je ne pourrai la garder, sans être en mesure de remporter un avantage pour la suite des opérations.

Des terres qu’on s’abstient de conquérir : ce sont des contrées montagneuses ou humides, sur lesquelles rien ne pousse…

Chapitre 9  [note : Le texte du Yinqueshan est très fragmentaire en cet endroit] Continuer la lecture

Des altérations subies par L’art de la guerre

La conservation des manuscrits du Yinqueshan

Nous fêtons ce mois-ci le quarantième anniversaire de la découverte des manuscrits du Yinqueshan (Cf. notre billet La révolution de 1972). Cette découverte mit en lumière le phénomène de modifications successives que connut le texte de Sun Tzu. En effet, la plus ancienne version du traité jusqu’alors connue ne datait que du XIe siècle et n’avait pas été altérée depuis. Le texte du Yinqueshan avait été, lui, rédigé vers la fin du IIe siècle av. J.-C.. Près de 300 différences existaient avec le texte du XIe siècle (et ce alors que seuls 40 % du texte étaient exploitables).

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La révolution de 1972

Musée des manuscrits du Yinqueshan, en Chine

Nous fêterons dans quelques jours les 40 ans de la découverte des « manuscrits du Yinqueshan ».

En avril 1972 était en effet découverte en Chine une tombe au pied de la montagne Yinqueshan[1]. Cette tombe datait d’environ 130 av. J.-C. et était celle d’un dignitaire militaire surnommé « Sima » qui s’était fait enterrer avec sa bibliothèque. Au sein de celle-ci figuraient des fragments d’un exemplaire de L’art de la guerre de Sun Tzu (ainsi que, pour la première fois, de L’art de la guerre de Sun Bin[2]). Le texte de Sun Tzu avait sans doute été couché sur bambous une cinquantaine d’années auparavant. Environ 40 % du texte standard étaient préservés.

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