Sun Tsu sens dessus dessous

Sun Tsu sens dessus dessous

Une interprétation française de L’art de la guerre parue en 2010

Nous allons ici présenter un livre paru en 2010 : Sun Tsu sens dessus dessous. Pourquoi en parler aujourd’hui ? Tout simplement parce que cet ouvrage avait échappé à notre recension de l’état de l’art concernant Sun Tzu en France. Il s’agit donc de réparer un oubli.

Paru chez InterEditions, Sun Tsu sens dessus dessous est un ouvrage de 304 pages dont l’ambition est de montrer comment « réussir les rencontres humaines non seulement dans la guerre, mais aussi dans la paix ». Le livre est français (il ne s’agit pas d’une traduction). L’auteure, Juliette Tournand, travaille dans le coaching d’entreprise. Coaching, donc conseils sur la gestion des conflits. Conflits, donc Sun Tzu.

La traduction de L’art de la guerre servant de référence pour l’étude est celle de Valérie Niquet, ce qui est une bonne chose. L’auteure se réfère en outre également aux traductions du père Amiot, de Tsai Chih Chung, de Samuel Griffith et de Jean Lévi pour picorer les éléments aptes à servir son propos.

Sous-titré « Un art de la paix » et paru dans la collection « Epanouissement » chez InterEditions (filiale « bien-être » des éditions Dunod), l’ouvrage à une tonalité indubitablement féminine. Il se rapproche en cela bien plus de L’art de la guerre pour les femmes de Chin-Ning Chu (cf. notre billet Pourquoi trouve-t-on autant de transpositions de L’art de la guerre ?) que de L’art de la paix de Philip Dunn (dont le principe était de proposer une traduction alternative de L’art de la guerre en jouant sur la polysémie des caractères chinois ; cf. notre billet Pourquoi le texte original de L’art de la guerre était-il cryptique ?)

Comme pour toutes les transpositions de L’art de la guerre, les maximes de Sun Tzu ne servent que de justifications au développement des idées de l’auteur, au risque de se voir parfois détournées de leur signification initiale pour coller au propos recherché. Dès lors, nous comprenons que le cœur de l’ouvrage n’est pas Sun Tzu, qui n’est que le décor, mais un domaine tout autre : la recherche de rapports humains pacifiés.

Le livre se structure en cinq parties, correspondant aux cinq « variables » présentées par Sun Tzu dans son premier chapitre :

« Il faut codifier [la guerre] grâce à cinq variables, l’étudier en procédant à des estimations pour comprendre parfaitement la situation. La première de ces variables est la vertu, la seconde le ciel, la troisième le terrain, la quatrième le général, la cinquième la méthode. » (traduction de Valérie Niquet, 2012)

L’aspect un peu artificiel de bâtir l’ouvrage sur la base de ces cinq variables se ressent dès la table des matières : la cinquième partie est quatre fois plus importante que la quatrième. En outre, Juliette Tournand ne retient pas la traduction de Valérie Niquet de la cinquième variable (« la méthode »), mais préfère utiliser celle du père Amiot (« la discipline »), plus apte à servir son propos. Le sens est réellement différent, comme en témoigne cette explicitation de ce que recouvre la « méthode » :

« La méthode, c’est l’organisation (des troupes), la promotion des officiers, la répartition des ressources. » (chapitre 1, traduction de Valérie Niquet, 2012[1])

Mais bien au-delà, l’ouvrage présente un aspect véritablement fourre-tout, où des éléments improbables cherchent à revendiquer une place, fussent-ils sans rapport. Par exemple, Juliette Tournand détaille sur cinq pages les forces fondamentales de la physique, pour conclure :

« Les forces fondamentales de l’Univers emploient leurs énergies à faire leur chemin librement, chacune avec un sens, une nature, une puissance propre. […] C’est l’art de chacun, l’art de vivre, dont la formule est à l’œuvre dans la nature, dans l’Univers au berceau, bien avant que la vie n’apparaisse sur la planète Terre, indispensable à son apparition. Alors, au nom de cet art si précieux et mystérieux, osons demander à l’Univers de nous accueillir encore plus près de son centre. » (pp. 90-91)

Vous aurez compris de la tonalité de mes propos que je n’adhère guère à ce procédé. Mais nul doute qu’un public amateur de spiritualité et de développement personnel appréciera la façon de traiter le sujet, syncrétisme des théories du psychologue Américain Anatol Rapoport, des frères Bogdanov et de Sun Tzu…


[1] A noter la traduction de Jean Lévi diffère sensiblement : « Par organisation, il faut entendre la discipline, la hiérarchie et la logistique. »

Source de l’image : photo de l’auteur

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