Histoire du texte de L’art de la guerre de Wu Zixu

L'art de la guerre de Wu Zixu

L’art de la guerre de Wu Zixu

En 1983, des fouilles archéologiques ont mis à jour dans la province du Hubei[1], un tombeau de la dynastie des Han occidentaux[2] datant de 186 av. J.-C. Le nom du personnage enterré était inconnu, mais le mode de construction de sa tombe en bois et en terre damée a permis une bonne conservation dans ce milieu humide. C’est ainsi qu’une grande quantité de textes sur lamelles de bambou a été découverte. Parmi eux, se trouvaient huit manuscrits :
– un calendrier ;
– un recueil de lois et de règlements ;
– un recueil de cas de criminalité ;
– un manuel de calcul ;
– un inventaire ;
– et un ouvrage sur la théorie du gouvernement et de la guerre, le He Lü.

Ce que nous pourrions considérer comme un traité de tactique navale a également été découvert. A noter cependant que le texte était relativement réduit (il ne comportait que 200 idéogrammes).

Bien que le traité de Wu Zixu soit aujourd’hui présenté sous le titre « L’art de la guerre », son véritable intitulé est en réalité « He Lü », du nom du roi de Wu à qui Wu Zixu remit son traité. « L’art de la guerre » a été le titre donné pour la traduction en chinois moderne, en vue de faire écho au traité de Sun Tzu.

Il restait du traité de Wu Zixu 55 lamelles de bambou de 30 cm de long. Divisé en 9 parties, il contenait 2093 caractères. Les archéologues pensent que le traité retrouvé était incomplet, mais ils ne sont pas en mesure de savoir quelle quantité est manquante. Les textes anciens chinois n’apportent d’ailleurs pas plus de précision sur le pourtour qu’aurait pu avoir le traité complet.

Le texte de Wu Zixu a en effet été perdu très tôt, comme en témoigne l’absence de référence dans la littérature chinoise antique (à la différence d’un traité comme celui de Sun Bin retrouvé lui aussi à l’occasion de fouilles archéologiques en 1972, mais régulièrement évoqué dans la tradition chinoise). Si la date de la tombe où furent découvertes les lamelles de bambous est connue (186 av. J.-C.), il n’en va en revanche pas de même pour la date de rédaction du document enseveli, et encore moins pour la composition du traité original. Comme nous l’avons évoqué dans le précédent billet, l’histoire « officielle » de Wu Zixu est hautement sujette à caution.

Le texte sur bambou était très endommagé, et il fallut attendre 2001 pour que soit publiée la version en chinois classique de ce traité[3]. Mais même ce dernier texte se révèle excessivement difficile à comprendre ; de grands spécialistes chinois divergent sur le sens à donner à certains passages (cf. notre billet Pourquoi le texte original de L’art de la guerre était-il cryptique ?). Ce n’est qu’en 2003 que des éditions militaires publieront le texte traduit en chinois moderne[4]. Il aura donc fallu attendre 20 ans pour que ce texte mutilé soit déchiffré et soit rendu accessible au peuple. A ce jour, il n’a pas encore été traduit hors de Chine (pas même en anglais), laissant pour l’heure un traité de stratégie potentiellement antérieur à celui de Sun Tzu totalement méconnu !

Une ébauche de traduction française a été esquissée en 2012 par le commandant Jian Zhu, stagiaire chinois à l’Ecole de Guerre de 2011 à 2012. Toutefois, les sinologues qui ont pu étudier son travail n’ont pas estimé celui-ci satisfaisant. Sa traduction se basait en effet sur la version en chinois moderne et non celle en langue originelle, le chinois classique, qu’il ne maîtrisait pas. Or ces mêmes sinologues, qui ont étudié le texte original, ont vivement critiqué cette traduction en chinois moderne. Le commandant Jian Zhu parlait en outre très mal le français, et le texte qu’il a in fine livré s’est avéré peu intelligible. Un exemple valant mieux qu’un long discours :

« Si l’ennemi attaque le recteur central de notre armée, nous lui feront face par la droite, si l’ennemi s’imagine nous vaincre très facilement, dans ces conditions, nous perrons profiter de la situation, l’attirer par de petits avantage pour en final. Si l’ennemi s’enfuit à la suite du sa défaite, nous l’attaquent par embuscade sur supprimer sa fuite, et l’anéantir complètement. » (chapitre 7 de la traduction de Jian Zhu)

Ses travaux ont néanmoins été à l’origine des présents billets, en portant à notre connaissance la récente découverte du traité. Nos propos se basent donc sur son mémoire, complété de nos propres recherches et des échanges que nous avons pu avoir avec différents sinologues sur le travail effectué.

Notre prochain billet s’attachera à présenter plus en détail le contenu du traité de Wu Zixu.


[1] Et plus précisément le village de Zhang Jia Shan du district de Jiangling.

[2] Succédant à la dynastie Qin, celle des Han occidentaux s’étendit de 206 av. J.-C. – 9 ap. J.-C.

[3] Groupe de l’arrangement des lamelles de bambou du tombeau n°247 de la dynastie des Han de Zhangjiashan (张家山二四七号汉墓竹简整理小组), Lamelles de bambou du tombeau de la dynastie des Han de Zhangjiashan (张家山汉墓竹简(二四七号墓)), Maison d’édition du patrimoine culturel, (文物出版社), Pékin, 2001, ISBN 9787501012572

[4] CHEN Yu, Déchiffrement de L’art de la guerre de Wu Zixu, Maison d’édition scientifique militaire, Pékin, 2003.

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